Manifestations d’« indignés » pour des média focalisés sur l’aspect spectaculaire et émeutier, grogne contre l’austérité imposée par des autorités plus ou moins légitimes pour le grand public, mobilisations « petites-bourgeoises » pour les anarchistes et les staliniens grecs, le mouvement social qui a eu lieu en Grèce de mai à septembre 2011 n’a guère frappé l’attention. Au point d’être aujourd’hui complètement oublié.
Pourtant, ce « mouvement des places », mérite qu’on s’y arrête. Car ses participants ne se sont pas contentés de réinvestir pendant plus d’un mois les principales places des grandes villes du pays : ils y ont tenu des assemblées quotidiennes de milliers de personnes, où la parole était libre, afin de reprendre l’initiative politique laissée aux oligarques. Refusant les récupérations partisanes, réinventant des dispositifs ingénieux de contrôle du pouvoir et mettant en place des modes de fonctionnement visant la démocratie directe, ils ont fugacement posé les bases d’une société autonome.
Mais les leçons de cette expérience menée par des gens ordinaires vont au-delà de la simple possibilité pour tout un chacun de délibérer à égalité sur la direction générale de la société. Ce que ce mouvement a montré, c’est d’abord que la démocratie directe en pratique excède tous les schémas idéologiques en cours, et que ni la « gauche », ni les diverses tendances marxistes, ni les anarchistes n’ont été capable d’accompagner le réveil du peuple grec. C’est ensuite qu’il est très difficile de faire le deuil de la société de consommation et de la délégation politique, qui rendent difficilement pensable une société fonctionnant en démocratie directe, même lorsqu’elle est mise en pratique. C’est enfin que le changement radical de société qui s’impose exige des transformations sociales, politiques et économiques, qui ne surgiront pas d’elles-mêmes, mais qui requièrent un changement des mentalités, des comportements, des personnalités.
Cette exaltation, et ces difficultés, sont et seront le lot de tous les peuples qui refusent l’avenir qui se dessine pour eux. La démocratie directe, régulièrement entrevue, pourrait bien devenir une voie praticable.
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