Ce texte fait partie de la brochure n°26 :
« Écologie, pandémie & démocratie directe »
L’écologie politique dans la crise mondiale — première partie
Sommaire :
- Questions à la décroissance (Article) — Ci-dessous...
Texte destiné à paraître dans le n°3 de la revue « La Gueule Ouverte » (nouvelle formule), prévu pour décembre 2018 et resté en suspens...
Les notes, entre crochets, ont été rajoutées.
Le terme de décroissance a progressivement gagné en popularité, au point d’être aujourd’hui entré dans le langage courant. Mais ce succès d’estime masque un piétinement, déjà ancien, dans sa définition, ses fondements, ses objectifs et sa finalité. L’apparente diversité des groupes qui s’en réclament témoigne plus d’un éparpillement que d’un dynamisme collectif. Il va sans dire que cette situation démultiplie le profond sentiment d’impuissance provoqué par le délabrement civilisationnel en cours. Si celui-ci nous dépasse infiniment, il reste par contre à notre mesure de tenter d’ouvrir, ou de rouvrir, les chantiers, débats, questionnements, qui devraient structurer les milieux et les individus qui peuplent la décroissance. Les quelques points qui suivent s’essaient à les formuler comme autant d’interrogations grandes ouvertes, nullement simples.
1 – Décroissance et politique
On a beaucoup glosé sur le terme même de « décroissance » (ou de ses variantes : « a-croissance », « post-croissance », etc), qui paraît avoir donné un nouveau souffle à une « écologie politique » restée à l’état de promesse. Mais ce « mot-obus » n’a d’impact que parce qu’il prend sciemment l’exact contre-pied du discours économique ambiant et, au fond, n’a pas dépassé le stade de la provocation. La plupart des courants décroissants, quoi qu’ils en disent, et dans la veine des prétendus « anticapitalistes », restent strictement sur le terrain économiste, ne le quittant que pour des discours très généraux.
Ils en reprennent logiquement les travers, c’est-à-dire en reconduisent tacitement la mythologie et les postulats, dont le principal, la primauté de l’économique sur le politique. Ce fourvoiement est par exemple visible dans leur proximité avec les discours sur la pseudo-« critique de la valeur » (en fait des métaphysiciens du Capital), dans les discussions autour du « revenu d’existence », ou encore dans les références bibliographiques ou le vocabulaire. Ainsi, on parle volontiers d’« écosocialisme » ou de « décolonisation de l’imaginaire », sans comprendre, semble-t-il, que le socialisme historique a été une suite d’échecs retentissants et que les décolonisations n’ont hélas rien apporté de fondamental, contrairement aux espérances tiers-mondistes, y compris et surtout du point de vue écologique.
L’absence de dimension politique de la décroissance saute aux yeux lorsqu’il est question du projet de société. Soit celui-ci est totalement inexistant, soit il reprend sans y penser les poncifs gauchistes. Dans le meilleur des cas, il rejoint différents courants évoquant la « démocratie directe » comme solution technique, sans voir qu’elle constitue plutôt un chantier titanesque que quasiment personne ne semble vouloir entreprendre. Pourtant, la transformation politique, sociale, anthropologique, existentielle que nous prônons pose immédiatement des problèmes de toute première grandeur : Qui décide de l’ampleur de la décroissance à effectuer ? Des secteurs à supprimer, à réduire ? De ceux à créer ? Comment et à quelles échelles se prennent ces décisions en cascade concernant notamment la relocalisation de la production, la répartition des ressources, la gestion monétaire ? Comment organiser une société non-industrielle ? Sous quels pouvoirs et selon quels principes placer la direction, et donc l’orientation, de la recherche technique et scientifique ? Etc.
Ces questions, comme tant d’autres, sont des friches abandonnées. En se refusant à réellement les travailler, donc à chercher à se définir politiquement, c’est-à-dire en dehors des cadres idéologiques préconçus, la décroissance se condamne à l’inconsistance. Elle renonce à ses propres exigences, celles que nous dicte l’époque, et se résigne ainsi à être éternellement assimilable à une dissidence gauchiste et tiers-mondiste, autrement dit à un faire-valoir des menées oligarchiques.
2 – Décroissance et austérité
Car jusqu’ici l’« écologie politique » ne semble pas parvenue à articuler une approche singulière dans le grand chassé-croisé de ce XXe siècle qui n’en finit pas, oscillant entre épauler la « Gauche » contestataire au nom du maintien de la société de consommation, ou promouvoir une « simplicité volontaire » individuelle qui convient parfaitement aux oligarchies. Insignifiante en termes politiques, la décroissance voit ses thématiques ballottées des uns aux autres, servant des forces qui ne peuvent lui être qu’étrangères mais qui s’adjoignent à peu de frais des vocables nouveaux, lesquels trouvent là des succès équivoques.
Pour quiconque a conscience que les destructions des ressources bio-physiques de la planète continueront, il est clair que les couches dominantes de nos sociétés devront adapter leur discours : soit brutalement, soit progressivement, il faudra faire admettre aux populations un plafonnement, puis une baisse drastique, de leur niveau de vie, que l’invocation des contraintes écologiques réelles rendra indiscutables. L’annexion de toute notion existante permettant de justifier une telle entreprise paraît inévitable. Et il est difficile de ne pas en voir les prodromes dans la popularité démesurée des termes de « sobriété » ou de « décroissance » au regard des effectifs minuscules de leurs réels partisans – ou dans leur invocation par des fractions de classes moyennes rationalisant leur déclassement.
On le sait : l’écologie sert facilement de prétexte, d’aiguillon ou de faux-semblant à l’expansion de la société industrielle et à l’emballement techno-scientifique. On l’a vu, en une génération, passer du statut de marginalité subversive à celui de « priorité » des instances gouvernementales. Mais il s’agit là d’un autre phénomène consistant en la digestion d’un discours critique pour accompagner les mutations radicales d’une société : c’est la solidarité populaire des mouvements ouvriers qui s’est dissoute dans un État-providence infantilisant ; c’est l’idée communiste devenue le masque grimaçant des plus grands massacres de masse de l’histoire moderne ; c’est le courant libertaire des années 60 accompagnant l’avènement d’un libéralisme culturel et économique sans limites ; c’est l’antiracisme devenu arme offensive des communautarismes ethnico-religieux.
Les sociétés du monde entier auront dans les décennies qui viennent à opérer une refonte complète du paradigme progressiste qui les a structurées, pour certaines pendant des siècles. Il serait étonnant que les discours, même ou surtout les plus radicaux, de l’écologie politique ne soient amenés à jouer ici un rôle historique. Bien peu de choses les en auront préservés, et certainement pas leur refus de saisir à bras-le-corps les enjeux de notre époque.
3 – Décroissance et modernité
Pendant des millénaires, les valeurs, normes, lois, limites des sociétés étaient imposées par un ailleurs fictif (Ancêtres, Esprits, Dieu, etc.) et, depuis peu, par des institutions « humaines » (Parti, Science, Marché, etc.). L’invention démocratique, éminemment précieuse, pose et rend possible une société qui se sait source d’elle-même, émanant des individus la composant. L’écologie politique a posé une radicale nouveauté : elle fait valoir le surgissement de limites vitales dont la source est extérieure à la société des humains, sans pour autant se réclamer d’une instance inaccessible. Cette position lui permettait de faire revivre et d’approfondir le projet démocratique, puisqu’une société pleinement responsable est seule capable d’affronter lucidement des contraintes extérieures.
Mais le déclin historique de ce projet, la difficulté des populations à renoncer au mythe de l’abondance, et l’urgence alarmante de la situation, font remonter des tendances largement irrationnelles, sinon franchement religieuses.
Les milieux décroissants condensent toute la confusion idéologique de l’époque, et leur diversité n’est pas un éclectisme cohérent mais plutôt un agrégat fortement hétérogène : s’y côtoient autant, qu’ils soient revendiqués ou diffus, le primitivisme que l’affirmation chrétienne, les spiritualités exotiques que le survivalisme, l’islamophilie que l’invocation d’une « Nature » plus ou moins personnifiée, le tout se revendiquant de l’écologie, seul courant politique dont le nom est également celui d’une discipline scientifique… Le statut de la science elle-même – qu’il n’est pas difficile d’identifier comme une quasi-religion telle qu’elle est perçue et parfois délibérément présentée – y est largement problématique, mêlant rejet passionnel, fascination et dépendance. Et il ne s’agit pas d’ergotage : tous les totalitarismes s’en sont réclamés, l’Histoire pour les bolcheviques, la Biologie pour les nazis, tandis que les islamistes la rejettent en son principe même…
À l’image de notre triste époque qui sombre dans l’anomie, l’écologie tombe de Charybde en Scylla, en deçà de ses propres enjeux, colossaux. Parmi ceux-ci : réinventer une approche politique reprenant les exigences d’une autonomie individuelle et collective – en un mot, la liberté. Liberté de penser, donc lourde responsabilité, et lucidité quant à l’avenir. La confusion généralisée actuelle prépare ce moment, de moins en moins éloigné, où les populations devront choisir, très probablement sans le savoir et sous des formes en apparence bien plus innocentes, entre la survie biologique et la liberté.
4 – Décroissance et puissance
Ce à quoi la décroissance s’affronte peut être formulé comme la question de la puissance. Non seulement la puissance instrumentale exercée collectivement sur l’environnement, mais plus subtilement celle de l’accès continu à une infinité de marchandises que représente la société de consommation. Si l’une et l’autre sont des créations historiques récentes, leurs ressorts sont archaïques. Ils ont été exprimés au fil des millénaires par une multitude de mythes, de la corne d’abondance au Dieu tout-puissant, et une multitude d’institutions sociales, comme les hiérarchies, les guerres, les religions, ou aujourd’hui les mécanismes d’accumulation, de maîtrise, de contrôle.
L’écologie reprend en la radicalisant l’ambition de l’auto-limitation qu’est intrinsèquement la démocratie. Non seulement en mesurant le surgissement des limites biophysiques de la planète, mais surtout en exprimant l’impossibilité pour le savoir humain de maîtriser l’hyper-complexité de la biosphère – et plus encore en y inscrivant l’humain dans toutes ses dimensions. La décroissance se fait donc la porte-parole de toutes les limites, des finitudes, des mortalités, et pose en fait la question du devenir de cette volonté de puissance que l’on pourrait même qualifier de « pulsion », tant elle est inscrite dans le tréfonds d’Homo sapiens.
La tentation est alors grande de limiter cette puissance, à la fois technique et psychique, individuelle et collective, à une instance extra-sociale surnaturelle sacralisée (Dieu, la Nature ou la Science) censée protéger en garantissant la mesure, la prudence, la sagesse… On ne peut qu’y opposer la solution « moderne » de l’auto-limitation, de la démocratie radicale par l’information libre, l’expression de la multitude des opinions et la délibération lucide. Mais il ne s’agit pas de se payer de mots : jamais l’humanité n’a eu de tels moyens de destruction à sa disposition, et les institutions où pouvaient s’exprimer la folie humaine et sa soif d’absolu (la compétition sportive, la sexualité, l’art, la philosophie, la spiritualité…) semblent en regard bien faibles…
Versant beaucoup plus concret de la question : une société ayant renoncé à la force mécanique se désigne immédiatement comme une proie à ses voisines moins scrupuleuses. On voit déjà aujourd’hui que tout pays en déclin, voire en simple « retard » économique se voit dépecé et/ou mis sous tutelle par des puissances étrangères. Une population parvenant à résister à ces menées se verrait en peu de temps soumise à une pression militaire, terrain où la supériorité technique est cruciale, sans être totalement décisive. Aspect décourageant, mais que l’on ne résout certainement pas en le passant sous silence.
5 – Décroissance et désirabilité
Une des grandes questions politiques qui hante la décroissance est celle de sa désirabilité. Le projet de société tel que nous l’envisageons est fondé sur la « sobriété » ; il apparaît toujours à nos contemporains comme bien moins enviable que leur situation actuelle, quelle qu’elle soit, qui se présente comme la promesse d’un « confort matériel » maintenu sinon toujours accru.
Quoique diverses, les réponses des décroissants tournent toutes autour de deux axes simultanés mais contradictoires : le premier relève de la volonté de rendre cette transformation sympathique, attirante, joyeuse, c’est-à-dire du registre publicitaire. C’est évidemment être assuré de perdre à tous coups : une première fois face à une industrie du divertissement arrivée à maturité, une deuxième en se rendant éminemment récupérable, et de perdre enfin le jour où il faudra expliquer qu’il est temps de passer à la pratique. Le second axe vise à faire prendre conscience qu’il s’agit d’une transformation nécessaire, vitale et incontournable, sur laquelle les goûts et les couleurs n’ont pas prise, puisqu’il s’agit de continuer l’aventure humaine sous une autre forme ou de l’interrompre purement et simplement d’ici quelques décennies.
Cette contradiction est source d’éternels malentendus et semble surtout manquer l’aspect essentiel : il s’agirait plutôt d’affirmer la dimension tragique de la condition humaine, donc de rompre avec les mythologies consolatrices, qu’elles soient traditionnelles ou post-modernes. Car le monde de la décroissance, dans le scénario le plus optimiste, n’est en rien un monde enchanteur du point de vue de notre époque. Il renoue avec tout ce que nos sociétés du divertissement permanent s’évertuent à faire oublier, reprenant en cela la fonction des religions historiques : la pauvreté, la rareté, l’ennui, la solitude, la vieillesse, la mort et la finitude en toutes choses… Bien entendu, il pourrait sonner également le retour d’une vraie vie sociale, de l’inventivité, du courage, de l’imagination, de la joie d’exister et de la dignité, bref, de l’humanité telle qu’elle a pu brièvement exister.
Sans doute est-ce cette humanité-là, que notre histoire récente a entrevue, qu’il s’agirait de promouvoir, certainement pas en la rendant « désirable », mais en activant ce qui, en chacun de nous, fait préférer la liberté, même tragique, à un état faussement béat mais certainement infantile.
6 – Décroissance et démographie
La décroissance peine à aborder les questions démographiques, alors qu’elle se trouve sans doute être le seul courant politique à avoir toute légitimité pour le faire sans cadres idéologiques préconçus. La décroissance de la natalité, qu’on caricature si facilement, semble pourtant constituer une évidence au regard des difficultés apparemment insurmontables de limiter la consommation individuelle et collective. Le refus de nombre de décroissants d’aborder ce problème de fond – et c’en est un jusque dans les plus hautes instances mondiales – est en vérité un déni de réalité qui condamne au discrédit.
De la même manière la question, intimement liée, des migrations fait l’objet d’un aveuglement comparable. Les mouvements et déplacements de populations sont spontanément critiqués aux échelles locale et nationale (« l’exode rural ») mais sont l’objet d’un tabou dès qu’ils atteignent le niveau international ou intercontinental. Là aussi, pourtant, il semble assez évident que dans une démarche politique, a fortiori décroissante, ils font bien plus partie des problèmes que des solutions. Et ce de manière grandissante, que le point de vue soit du côté des pays d’émigration ou d’immigration, de l’individu ou de la collectivité, du court ou du long terme, du milieu naturel ou des sociétés.
Enfin, et logiquement impliqué, un même silence nimbe une des plus grandes transformations contemporaines de nos sociétés occidentales ; leur fragmentation et leur dislocation en cours en communautés, ethnies, religions, langues et cultures, processus pudiquement appelé « multi-culturalisme ». D’un point de vue strictement décroissant deux questions se posent : d’abord, un tel assemblage de communautés cohabitant mais incapables de faire collectivité est-il encore susceptible de délibérer sur ses grandes orientations ? Ensuite, notre renoncement au consumérisme, à l’ascension sociale et au mode de vie occidental, déjà malvenu, est-il seulement concevable chez des populations qui ont tout quitté et souvent risqué leur vie précisément pour y accéder ?
Si ces questions paraissent si taboues, c’est qu’elles sont assimilées à « l’extrême droite ». Pourtant, elles faisaient partie intégrante des discours et pratiques des mouvements populaires d’émancipation, notamment le mouvement ouvrier, jusqu’au dernier quart du XXe siècle. On mesure là la dépendance idéologique de l’écologie au gauchisme culturel ambiant, grand édificateur d’enfers pavés de bonnes intentions.
7 – Décroissance et bien-pensance
Le discours décroissant, reprenant une dichotomie très marxiste, joue couramment sur un double discours : celui de l’objectivité scientifique des contraintes imposées par le milieu naturel et celui, très subjectif, d’une politique très « politiquement correcte ». La radicalité de l’approche écologique, que l’on pourrait qualifier d’authentiquement « révolutionnaire », devrait pourtant permettre à ses défenseurs de rebattre les cartes d’un jeu idéologique devenu à la fois insignifiant et suicidaire.
Les soupçons ou accusations de « nostalgie », de « conservatisme », d’idéal « réactionnaire », d’« obscurantisme », bref « de droite » ou « d’extrême droite » qui pleuvent depuis des décennies sur les écologistes les auront sans doute poussés, aidés en cela par le conformisme ambiant, à se reconnaître dans le magma du prêt-à-penser dit « de gauche ». L’entrée dans cette camisole sécurisante offre certes un regain de légitimité apparente, mais qui se paie par une anesthésie de ce que l’écologie politique avait de profondément subversif. L’émancipation du genre humain n’appartient à aucun camp idéologique – ce serait une contradiction dans les termes. On comprend donc la tendance, en ces temps de suspicion permanente, à la reléguer dans un coin poussiéreux du musée de l’histoire.
De surcroît, cela fausse complètement la nature de l’engagement militant, qui, au vrai, n’a jamais été clarifiée. L’étiquette « décroissant » fait aujourd’hui partie de la panoplie bien-pensante et contribue au discours de l’austérité pour les autres. Qu’un courant de pensée aussi radical puisse être aujourd’hui l’apanage de bobos, de fonctionnaires de l’État, de cadres à la mauvaise conscience, de retraités et de rentiers n’ayant jamais seulement pensé à enrayer la méga-machine dont ils occupent le centre devrait inciter à réfléchir. Sans doute n’y a-t-il pas non plus à faire l’apologie d’une marginalité militante qui fait souvent fonction de simple rite d’initiation, voire d’intégration, ni de divers types de « renonçants » contemporains. La « propagande par l’exemple », soit la focalisation sur les modes de vie, est elle-même un travers porteur d’une énorme confusion qui escamote aujourd’hui la dimension authentiquement politique d’une part, collective de l’autre, d’un tel projet de société.
La question de la cohérence est très délicate à aborder. Il ne s’agit pas de brandir la menace d’une police politique mais de pointer, ici peut-être plus qu’ailleurs, un écart entre les mots et les actes, qui ne peut que révéler une mésentente sur le désir individuel véritable. C’est celui-ci qui devrait être sujet d’introspection concernant notre degré d’adhésion, et sa nature, à la société telle qu’elle est. On ne construit pas un mouvement politique populaire avec le seul volontarisme, encore moins avec des bons sentiments, des discours d’Inquisiteur ou la ratiocination militante.
Il y aurait certainement, sur ce point comme sur d’autres, à reprendre radicalement, c’est-à-dire à réinventer, les impulsions premières des mouvements ouvriers, admirables et méconnus précurseurs. Leur dimension parfois millénariste ne saurait occulter les trésors perdus qu’ont été le mouvement coopératif, l’athéisme militant, la revendication d’égalité des revenus, l’auto-éducation populaire, la profonde solidarité concrète, l’attachement à une identité politique collective, l’enracinement dans un territoire, un internationalisme conséquent, la défiance vis-à-vis de tous les pouvoirs et, peut-être par-dessus tout, l’inscription dans un projet de civilisation. Qu’ils aient pensé ce dernier inéluctable alors qu’il nous semble aujourd’hui plus éloigné que jamais ne doit pas faire oublier que nous en sommes les héritiers.
Car le monde que nous voulons est un monde de liberté, sans laquelle rien ne se fait, et d’abord celle de penser, qu’il conviendrait de faire vivre d’abord par la confrontation à des réalités de plus en plus angoissantes. C’était là le pari initial de l’écologie politique il y a un demi-siècle et cela devrait rester celui de la décroissance, si elle veut être autre chose qu’un slogan.
Lieux Communs
Octobre 2017 – Septembre 2018
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