LA TRÈS SIGNIFICATIVE SURVIVANCE DES STALINO-GAUCHISTES
La survivance des stalino-gauchistes n’a rien d’un hasard malheureux. Elle est au fond la signature d’un naufrage historique qui ne veut pas passer.
L’absence de tout bilan sur le marxisme et la nature de l’URSS par ceux qui furent partie prenante de ces errements et de ces mensonges à l’époque de leur posture conquérante n’est guère étonnante : en politique, surtout là où les questions de pouvoir absolu sont en jeu, la bonne foi et l’honnêteté sont exclues par convention. Il demeure que le cours rapide des évènements dans les années 1986-1991 avait pour le moins décontenancé les vétérans de ces crimes historiques. Le désaveu populaire était si patent dans les anciens royaumes du mensonge social-historique que leurs défenseurs ont traversé une phase de silence gêné. Ils savaient très bien ce dont ils avaient été solidaires, mais cela se voyait désormais avec tant d’éclat qu’il leur était devenu difficile de « la ramener », comme on dit en langage populaire.
Cette absence n’a nullement été mise à profit par ceux qui avaient affiché, au nom du changement social, et depuis des décennies, presque un siècle maintenant, leur dissidence vis-à-vis des horreurs du « socialisme réel ».
La plupart de ces demi-critiques ont ainsi révélé l’ampleur du soubassement idéologico-pratique qu’ils partageaient malgré tout avec le stalinisme.
On savait depuis longtemps, malgré la manière abominable dont ils avaient été traités par les moscoutaires, que les trotskistes formaient un appendice gauchisant du stalinisme (voir Willy Huhn, « Trotsky, le Staline manqué »). D’autre s courants, tels que les bordiguistes, avec leur léninisme métaphysique, ne trompaient pas grand monde non plus. Mais, l’absence de bilan intransigeant a concerné beaucoup plus que les courants ossifiés du stalino-gauchisme : ce sont au fond tous ceux qui se réfèrent au « communisme », ce fétiche idéologique, qui ont manifesté une incapacité significative, alors que l’histoire semblait se rouvrir.
Dix-sept ans après l’évaporation du cauchemar « soviétique », les rapports de force et d’influence au sein de ce qui s’affiche comme « critique sociale » n’ont pas changé. Les staliniens rescapés, présents surtout dans les universités occidentales et dans les appareils croupions de leurs anciens partis, se sont aperçus, sans trop y croire, qu’on les laissait vivre politiquement, que les gauchistes n’osaient pas les achever et que même les sociaux démocrates reconvertis en « sociaux-libéraux », les traitaient avec aménité et indulgence. Les attaques les plus vives sont venues des courants des droites officielles, qui ont mécaniquement tiré un regain apparent de vigueur, même s’ils ne font eux aussi que recycler d’anciens refrains.
Depuis quelques années, on voit donc ressurgir en France les idéologues des courants les plus indigents et les plus butors de la prétendue « critique sociale ». La référence à un idéologue aussi marqué qu’Althusser les trahit fréquemment.
Conformément au statut de l’intellectuel français, ils mêlent plusieurs genres : professeur d’université se piquant d’art et de psychanalyse, intellectuels plus ou moins médiatiques, etc., qui accommodent avec constance de très vieilles recettes et se complaisent dans des haines de ghettos dont les limites ne sont perceptibles qu’à eux seuls, etc. Les pages qui suivent décrivent les coups de force intellectuels que se permettent certaines de ces figures les plus caricaturales, sous couvert de « réflexion indépendante ». Cette permanence d’un imaginaire « panzer-communiste » peut-il trouver un public ? Il s’agit, plus probablement, d’un sursaut anecdotique d’idéologues qui s’accrochent à une autre époque. Mais la nature des confusions qu’ils cultivent mérite l’attention. Non seulement le terrain de la critique sociale a été empoisonné, mais cet empoisonnement dure et se poursuit aujourd’hui.
Suit, par ordre de nuisance croissante :
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