Islam et totalitarisme

G. Fargette
mercredi 5 avril 2023
par  LieuxCommuns

Texte extrait du bulletin de « Le Crépuscule du XXe siècle », n°38-39, mai 2021, faisant suite aux « Critères de comparaison entre les principaux régimes totalitaires »


Présentation : L’immense développement d’un nouveau projet totalitaire, qui s’amplifie depuis 1979 (date de la création du régime des mollahs en Iran), est assurément une surprise historique, bien que ce processus ait commencé à la fin des années 1920, en mimétisme des organisations fascistes et nazies européennes : les Frères musulmans ont alors imité les formations fascistes jusqu’au recrutement de “Chemises vertes”. La manière dont le régime dictatorial de Nasser [1] avait balayé cette velléité mystico-politique dans les années 1950 et 1960 incitait à n’y voir qu’un sursaut passéiste qui n’aurait pas de lendemain. Mais la présence d’une pléthore de conseillers nazis en Syrie comme en Egypte constituait un signe de la portée des processus en cours. L’échec de l’écrasement d’Israël de 1967 à 1973 a fait s’effondrer le “nationalisme” arabe, qui n’était qu’une façade d’un retour impérial. L’islamisme, sous toutes ses formes a pris le relais. D’autant qu’à partir des années 1970, les deux “chocs pétroliers” ont procuré une immense manne financière, véritable tribut prélevé sur les pays industrialisés. Le régime wahhabite saoudien l’a utilisé pour réislamiser les États musulmans et les émigrations musulmanes en Europe. La convergence entre ce wahhabisme et les “Frères musulmans” des années 1920, renforcé par les thèses de Sayyid Qutb après 1945 (le “djihad offensif” devenant la référence) a eu un effet d’entraînement dans les zones sunnites. La cristallisation du régime des mollahs a aiguillonné une concurrence décisive et mortifère en islam. Pour la première fois depuis longtemps, un État important (l’empire perse) s’est aligné sur une logique théocratique prétendant s’étendre au monde entier. C’est le sens de la fatwa contre Rushdie. Les autres débris impériaux musulmans ont tenté de concurrencer cette posture de guerre civilisationnelle.

Dans quelle mesure l’impérialisme musulman diffus tend-il aujourd’hui à se conformer aux grands traits du totalitarisme énumérés dans le tableau pages 17 et 18 [cf. « Critères de comparaison entre les principaux régimes totalitaires ». ] ? Voici critère par critère ce que l’on a pu observer depuis une dizaine d’années, avec le surgissement d’insurrections djihadistes créant des implantations territoriales en Syrie, en Libye, en Afrique noire ou aux Philippines.

1. Dans la période d’incubation, la forme squadriste apparaît avant même l’adoption d’un discours idéologisé : la surdélinquance musulmane est d’une nature proto-djihadiste qui ne s’affiche pas comme telle, mais qui réactive les fondements moléculaires d’une telle disposition de masse [2]. Les agressions sexuelles procèdent également d’une logique djihadiste incroyablement sous-estimée et qui se déploie avec une constance dramatique dans les pays européens ayant capitulé devant l’invasion musulmane de peuplement. La question du voile est cruciale parce qu’il constitue la caution présentable, sournoise et préalable du djihad sexuel : toute femme non voilée est violable à volonté, d’après les théoriciens les plus francs de l’islamisme, qui sont strictement orthodoxes sur ce point. La plupart de ces individus, considérés comme de simples “criminels” selon les critères traditionnels d’un État de droit occidental, échappent largement à la répression par suite d’une indulgence judiciaire sidérante, et l’interprètent très logiquement comme une légitimation. Dans les deux cas, ces forfaits à échelle industrielle incarnent une pratique conforme à l’orthodoxie coranique, sans discours explicite bien qu’il arrive que des viols soient accompagnés d’une récitation de sourates du Coran.

L’idéologie qui vient à distance se greffer sur ces actes pour les justifier se présente comme une référence religieuse (cf les sourates guerrières du Coran), tout en adoptant l’allure “schizophrénique” du IVe monothéisme marxiste-léniniste : cet encouragement au crime est un déshinibant très efficace. La tradition des Frères musulmans, nés en Egypte à la fin des années 1920 en imitation des formes fascistes et nazies, elles-mêmes mimétiques des formes soviétiques, joue un rôle crucial puisqu’elle prétend fournir une justification “moderne” de la force brute et qu’elle a retenu leurs techniques de noyautage systématique. Le cas de Mawdoudi, au Pakistan, émettant une théorisation assez voisine, sans imitation délibérée du “fascisme”, confirme que ce vernis de “rationalisation” est un habillage d’un archaïsme passionné qu’il s’agit de démultiplier. L’islam ne peut tenter de se “moderniser” qu’en se faisant totalitarisme, avec un souffle qui est sans doute plus court que ce que ses partisans imaginent. Leur seul avantage vient de ce qu’ils pourraient rencontrer les exigences de la réalité : l’attrition des sources d’énergie va bouleverser et amoindrir le dynamisme des sociétés qui ont inventé l’industrie et prospéré sur son développement. L’islam travaillé par l’islamisme pourrait très bien convenir à une société de rationnement et de pénurie, comme en rêvent de plus en plus ouvertement les théoriciens écologistes actuels. La “mondialisation” s’annonce de plus en plus clairement comme une “tiers-mondialisation”.

2. Le quadrillage de la société est réalisé par les formes ethno-délinquantes avant même de prendre le pouvoir officiel. Une police des mœurs est mise sur pied dès qu’une instance islamiste prévaut localement. A New-York, une police de la charia est officiellement admise dans un quartier à dominante musulmane. A Berlin, une milice de ce type semble active dans les milieux tchétchènes, etc. Ces deux dimensions reposent sur la cristallisation d’un archipel de la charia, qui s’étend par démographie invasive et refoulement des populations autochtones.

La guerre civile découle tôt ou tard d’un tel quadrillage, même si ses organisateurs préféreraient prendre l’ascendant sans combat sur la société visée par la colonisation islamique. De fait, la guerre civile est déjà là, mais de façon capillaire, car elle est constitutive du tissage communautaire exigé par l’islam. Les leviers totalitaires servent de justification militante amplificatrice.

3. Des camps de concentration sont apparus en Syrie-Irak, mais sans la dimension alibi de la “rééducation” (cf le sort des hommes Yézidis en Syrie-Irak sunnite, quand ils acceptaient de se convertir, les autres étant purement et simplement exterminés). Les femmes et les enfants, convertis de force, ont été réduits au statut d’esclave, si bien que le camp de concentration apparaît dans leur cas comme situé “hors les murs”, diffus dans toute la société.

L’archipel de la charia qui se dessine dans les pays occidentaux en cours de colonisation est annonciateur de cette pratique de l’esclavage. Le viol et la prostitution forcée de femmes et de fillettes occidentales, par milliers, sont devenus des pratiques secrètement publiques en Grande-Bretagne (cf Rotherham, Telford, etc.). Le nombre de complices de ce forfait de dimension sociologique (policiers qui ferment les yeux, assistantes sociales qui regardent ailleurs, élus locaux qui protègent les milieux criminels, etc.) est tel qu’ils sont déjà des collaborateurs décisifs de l’occupation. Comme pour toute collaboration avec une mafia, tout retour en arrière devient de plus en plus difficile au fil du temps. Certaines fonctions de la stratégie de terreur soviétique ou nazie sont donc remplacées par le déploiement sans complexe de la terreur diffuse et capillaire, à laquelle adhère passivement une part importante de la population civile musulmane [3].

L’islam n’a jamais eu besoin d’Inquisition interne, puisque la fonction en est assurée de manière permanente par toute la communauté musulmane, chacun devant contrôler le voisin dans l’espoir de voir son hypothétique bilan “moral” amélioré pour l’autre monde.

Pourquoi la plupart des musulmans éprouveraient-ils la moindre objection à l’établissement de la charia sur toute la société ? Un tel régime doit leur assurer une position de privilégiés. L’apparition d’organisations spécialisées dans la traque de l’“islamophobie” constitue, comme le CCIF en France, une véritable inquisition à usage externe, dirigée contre les Occidentaux qui ne se soumettent pas préventivement à cette terreur.

4 et 5. Les camps de la mort sont largement court-circuités par les liquidations de masse. Les communautés musulmanes disposent, comme les formations sociales russe, chinoise ou cambodgienne, de réserves inépuisables de bourreaux volontaires, au contraire du régime nazi qui “souffrait” d’une pénurie tendancielle sur ce terrain, du fait de son ancrage dans l’anthropologie occidentale, bien qu’il aspira à en sortir. Un régime islamique n’a nul besoin d’un appareil industriel spécialisé dans l’extermination, où seule une petite minorité d’exécutants aurait une conscience claire des objectifs.

6. La guerre civile se développe sur un chaos de longue haleine, vivier du projet islamiste, même si cela rend difficile toute stabilisation viable d’un régime pareil. La fuite en avant dans une guerre civile mondiale et capillaire est la condition de sa précaire cohérence. L’islamisme a intégré le repère central du totalitarisme soviétique : une fois qu’on tient des positions de pouvoir, il ne faut jamais les rendre, même si cela nécessite une brutalité exponentielle. Cette ambiance est d’abord le visage de ce chaos retourné contre ceux qui se croient naïvement “musulmans”. A l’instar du procédé soviétique, suivant lequel on n’est jamais assez “socialiste” ou “communiste”, pour les islamistes, les salafistes et les djihadistes, un musulman, même sunnite, n’est jamais assez “musulman”. Il en va de même en Iran pour le pouvoir “chiite”, mais le régime iranien souffre de son âge, plus de 40 ans, et en est au stade d’usure interne que connaissait l’Union soviétique après la mort de l’égocrate Staline. La désertion des mosquées en est un signe écrasant.

7. L’intentionnalité des massacres et des réductions en esclavage ne fait pas question : elle est ouvertement mise en scène et revendiquée, en faisant référence aux sourates guerrières du Coran, qui sont considérées comme “abrogeant” les sourates pacifiques. L’islam assume la fonction de tout racisme  : donner à une minorité ou une majorité l’illusion de former une “élite” absolue, d’autant que tout enfant de musulman est censé hériter de “gènes” musulmans...

La manière dont le rituel public de l’égorgement du mouton est organisée constitue un véritable entraînement initiatique et traumatique des enfants à l’égorgement des Occidentaux. Il s’agit, comme souvent en islam, d’un retournement sournois de rituels récupérés d’autres monothéismes (dans le judaïsme, l’égorgement rituel du mouton, non public, symbolise l’abolition des sacrifices humains).

La charia fascine l’ensemble du monde musulman parce qu’elle attribue par nature un statut de supériorité au millet (communauté dotée de droits “juridiques”) musulman. Pourquoi les musulmans s’abstiendraient-ils de revendiquer cette suprématie, qui leur serait due par “nature” ? Tant qu’ils ne sont pas maîtres du monde, les musulmans se sentent “humiliés”.

8. La figure de l’égocrate est à ce jour absente des structures djihadistes, qui sont pourtant férocement hiérarchisées, selon un principe de verticalité absolue. Le personnage du “calife” (El-Bagdadi) en a assumé certains traits, même si Oussama Ben Laden aurait fait un meilleur candidat. Sans doute la prudence sécuritaire interdit-elle dans la présente phase de guerre civile mondiale de mettre en avant un dirigeant théocratique, avec ce que cela supposerait de decorum. L’exécution par un missile calé sur le téléphone du premier dirigeant de la révolte tchétchène, le général Doudaïev, a eu ce type de conséquences (tout en ouvrant la voie à la submersion de cette révolte tchétchène par les courants djihadistes)... La manière dont Poutine y a répondu est typiquement impériale. Ce que fait la Chine au Sin Kiang contre les Ouïghours renvoie également à un trait impérial fondamental.

9. L’État est réduit au statut de bras armé de l’appareil islamiste, ce qui parachève cette greffe du bolchévisme sur le monothéisme le plus butor et le plus parvenu. Il donne aux organes secrets la prééminence de fait. Ce pur appareil de coercition, qui abandonne la dimension structurante de l’État à un fétichisme de textes archaïques et figés, se déclare voué à la conquête mondiale et n’a cure de gérer une communauté localement. Il constitue un régime de théocratie, très rarement mis en œuvre en islam, sauf pour l’époque mythifiée du “prophète”. Quand on sait que celui-ci fut sans doute liquidé par ses successeurs impatients, les seigneurs de la guerre Abu Bakr et Omar, qui aspiraient à pérenniser leur position de pouvoir, cette “théocratie inaugurale” apparaît comme une projection fictive d’une tendance toujours présente en Islam, mais très rarement actualisée du fait de la viscosité des processus historiques et des contraintes de survie des États [4].

10. Génocides : les massacres étendus contre les Chiites, les Yézidis, les Chrétiens, les Alaouites ou les tribus sunnites réticentes en Irak, n’ont nécessité aucune organisation “modernisée” du processus d’extermination. Les forces djihadistes se contentent du stade ottoman de l’extermination des Arméniens, des Grecs et des Assyro-Chaldéens à partir de 1915, grâce à la pléthore de tortionnaires spontanés, caractéristique des sociétés non-occidentales. C’est tout à fait conforme au moment fondateur du premier État musulman, censé être né à travers les “guerres d’apostasie”, véritables conflits d’extermination contre les tribus d’Arabie qui auraient refusé de continuer à se soumettre après la très énigmatique disparition du “prophète”.

11. Les épurations internes dans le Califat-croupion se sont avérées chroniques et systémiques. Il y a aussi là un héritage des régimes baassistes, irakien et syrien, ces esquisses impériales sur une base géographique indigente.

12. Les épurations de masse contre les populations sunnites mises sous tutelle ne semblent avoir été constatées que contre les tribus de l’Anbar qui ne s’étaient pas ralliées, mais la période 2014-2017 est évidemment un peu courte pour le déploiement d’un tel mécanisme (le Cambodge de Pol Pot fut à cet égard étonnant de rapidité, mais il avait déjà rodé cette pratique dans les maquis).

Les embryons de “Califats”, depuis le prétendu État islamique jusqu’à Boko Haram, en passant par l’organisation Abou Sayaf de Mindanao, montrent une totale absence d’inhibition. Seuls des obstacles matériels peuvent limiter la férocité qu’ils encouragent. Ils ont soif de pratiquer les guerres d’extermination, et la situation du monde pourrait trouver particulièrement “fonctionnelle” une telle disposition, dans le cadre d’une démographie incontrôlée.

Ces structures semblent destinées à se multiplier dans l’effondrement interne des sociétés musulmanes, incapables de se moderniser. Mais elles sont également vouées à s’affronter de façon implacable comme on le constate en Afghanistan, où des groupes liés à Daesh ont préféré se rendre aux troupes américaines plutôt que de tomber aux mains de leurs rivaux talibans, qui ne font pas de prisonniers. La logique du régime islamiste d’Erdogan en Turquie est plus redoutable encore que les opérations insurrectionnelles bourgeonnant çà et là. Le sultanat ottoman est désormais réactivé et se pose en “protecteur” des musulmans infiltrés dans les Balkans, et dans toute l’Europe. La menace sur les îles de la mer Égée est officielle et directe (cf les discours de ministres d’Erdogan), ce qui n’empêche nullement la répression contre les Kurdes dans toute la région. Erdogan s’est doté d’une “légion étrangère djihadiste” qu’il déploie maintenant en Libye.

Paris, le 20 novembre 2020


[1Bien qu’il fût très entouré de nazis nullement repentis qui, comme Skorzeny, devaient transmettre aux commandos palestiniens leur savoir-faire en matière de guerre non-conventionnelle, apprise dans la lutte contre les partisans sur les arrières du front de l’Est. L’antisémitisme national-socialiste s’est répandu avec une facilité remarquable dans le monde musulman, en rencontrant la haine traditionnelle des Juifs qui ont osé s’opposer à l’OPA musulmane sur le judaïsme.

[2Le slogan répandu chez les musulmans : “voler les koufar n’est pas voler” est éloquent.

[3L’affaire “Mila”, cette adolescente qui a répondu vertement, dans la langue qu’ils comprennent, à plusieurs violeurs en herbe sur internet est éloquente : les réponses complaisantes pour l’islam de la ministre Belloubet, de la politicienne sur le déclin S. Royal, etc., sont allées au-devant de la déclaration officielle d’un responsable du Conseil français du culte musulman, Zekri : “elle l’a bien cherché !" Le tsunami de menaces de mort qui a suivi contre cette adolescente, qui doit désormais vivre en clandestinité avec sa famille dans son propre pays, donne la mesure de la terreur musulmane qui règne désormais sur la France.

[4G. Martinez-Gros constatait dans un entretien radiophonique que lorsque l’islam est coupé de l’État, comme dans les circonstances coloniales, il tend à développer sa férocité intrinsèque sans aucun frein. Voir aussi son ouvrage : “L’empire islamique, VIIe-XIe siècle”, 2019.


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