Dossier thématique : L’offensive militaire russe vers l’ouest
- Ce qui devrait surprendre n’est pas l’offensive de l’armée russe en Ukraine, mais son ampleur, d’ailleurs non circonscrite. La volonté expansionniste de la Russie s’exprimait depuis deux décennies pour qui voulait la voir, témoignant de la permanence de ses ressorts impériaux dont le totalitarisme communiste de l’URSS fut une expression modernisée. Le prétexte des populations russophones du Donbass fait le lien, celles-ci étant largement issue du remplacement démographique qui a succédé à l’Holodomor, le génocide par la famine d’au moins 5 millions d’ukrainiens orchestré par Staline.
- Cette tendance à la restauration et l’expansion impériale est un processus mondial réactionnel à la dernière mondialisation, comme la première guerre mondiale le fut à la précédente. Cette résurgence s’opère à chaque fois différemment mais toujours au nom d’une suprématie civilisationnelle qui sert d’exutoire aux crises et tensions internes indépassables : la caste dominante russe projette de restaurer la domination orthodoxe de la chrétienté comme la Turquie d’Erdogan veut rétablir le sultanat islamique ou la Chine l’empire du Milieu du monde ou l’Iran, etc. C’est un retour à la pré-modernité.
- L’Occident, pourtant inventeur du polycentrisme inter-national, seule forme géopolitique alternative à l’empire, est également traversé par cette tendance lourde, nourrie par mimétisme. Cette érosion de la modernité date de la « guerre civile européenne » de 1914-1945 et à été rationalisée et accompagnée par les élites européistes. Ces dernières prétendent aujourd’hui, et bruyamment, mettre fin à leur irénisme sous parapluie de l’Otan américain. Mais leur destruction méthodique des mécanismes démocratiques couplée à la fragmentation ethno-religieuse rendent improbable toute mutation autre qu’impériale (la formation d’une armée européenne enrégimentant les limes intérieurs sur le modèle de l’empire romain).
- En France, le chaos idéologique laisse peu de place à la lucidité. Le tropisme autoritariste de « la droite » rencontre l’anti-occidentaliste de « la gauche » dans la complaisance poutinophile, laissant les « realpolitikers » de l’oligarchie poursuivre leur gestion au-jour-le-jour du délabrement par la diffusion massive d’une surréalité médiatique. Toutes les crises qui cheminaient, impensées, depuis des décennies – géopolitique, socio-politiques, migratoires, économiques, sanitaires, énergétiques, écologiques, culturelles, etc – entrent progressivement en synergie, provoquant une série de basculements impliquant la fin de l’ultime facteur de cohésion sociale ; le niveau de vie.
- Le refus actif de cette pente historique qui semble tout faire converger est d’autant plus difficile que chaque solution à un niveau – par exemple individuel – accroît le problème à un autre – par exemple collectif. L’omniprésence des idéologies et le cloisonnement des discours sont nourris par le désir passionné de trouver une réponse avant même de chercher à formuler la question et, au fond, la volonté d’en finir avec l’histoire. C’est sur cet avachissement civilisationnel de l’Occident, rationalisé par le wokisme et alimentant les obscurantismes, que se fondent les pulsions impériales.
Les textes qui suivent cherchent à élucider quelques-uns de points saillants de la situation présente.
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