Ce texte fait partie de la brochure n°28 :
Repenser l’Occident
Retours sur ce qui fait et défait la singularité occidentale (Mars 2024)
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Sommaire :
- Introduction — Ci-dessous...
- Quatrième de couverture — Ci-dessous...
Quatrième de couverture
Peut-être peut-on ramener, au fond, tous les positionnements politiques contemporains à la question de l’Occident. Il y a, d’un côté, ses partisans acharnés et, de l’autre, ses ennemis déclarés, que les uns ou les autres soient d’ici ou d’ailleurs. La ligne de partage repose sur une définition apparemment claire : l’Occident serait phare de la chrétienté, puissance impérialiste, foyer du capitalisme, civilisation technicienne combattant les forces de la Nature et centre de l’opulence matérielle. Cette division simple et apparemment éclairante nourrit, dès que la discussion s’ouvre, des confusions en cascades ; ces terres, pourtant si chrétiennes, ont sécrété une myriade de combats anti-religieux, laïques, athées uniques dans l’histoire ; ces menées coloniales et meurtrières ont été les seules à avoir accouchées de nations indépendantes au nom de l’auto-détermination des peuples ; ces mécanismes capitalistes, source d’une mobilité sociale partout enviée, ont été contrebalancés par des mouvements ouvriers inventant des institutions de solidarité et de redistribution radicalement nouvelles ; le déploiement sans limite de l’asservissement technique émane d’une rationalité et d’une science qui ont arraché la condition humaine à l’obscurantisme et la misère ; l’effondrement écologique qui vient a fait naître, depuis deux siècles, un bouleversement volontaire des rapports à la nature tel que l’humanité n’en a jamais connu. On pourrait multiplier les contradictions, et renvoyer chaque interlocuteur aux siennes propres et d’abord au choix de son mode de vie personnel. Ce n’est pas seulement que l’Occident est contradictoire, c’est qu’il est, fondamentalement, indétermination : il est plus éloigné de toutes les civilisations que celles-ci ne l’ont jamais été entre elles. Il est, essentiellement, création de sociétés qui se savent œuvre des adultes qui les peuplent, découverte par l’être humain de sa liberté donc de sa responsabilité face à sa démesure, effort sans cesse renouvelé de la conscience humaine pour comprendre le Chaos qui la constitue. Repenser l’Occident, c’est donc reprendre ce projet d’autonomie individuelle et collective. Mais la question semble aujourd’hui autant de savoir si nous le voulons encore qui si nous en sommes encore capables. |
Introduction
Le délabrement actuel de l’Occident est celui de ses visées de souveraineté populaire, de délibération rationnelle, d’intérêt général, d’inventivité collective, de justice sociale, d’autonomie et de réflexivité dont se sont réclamés les mouvements d’émancipation du XIe au XXe siècle. Cet effritement accéléré provient de trois sources distinctes.
La première et principale est évidemment interne : les sociétés occidentales se sont mutuellement sabordées lors des affrontements de 1914 à 1945, leurs mouvements ouvriers ont été laminés par les totalitarismes et leur équilibre anthropologique a été mutilé par la société de consommation, la déferlante bureaucratique et technicienne et l’Étatisation de l’existence.
La seconde, qui en découle, est intermédiaire : ce sont les courants politico-intellectuels héritiers du putsch bolchevique d’Octobre 1917 qui rationalisent depuis près d’un siècle l’effondrement civilisationnel voire y travaillent sous couvert de « déconstruction ». Infiltrant toutes les institutions depuis les années 60, ces stalino-gauchistes aujourd’hui transmués en « wokes », aspirent à sortir de l’Occident. Ils nourrissent toutes les fascinations et complicités avec les barbaries existantes pourvues qu’elles proviennent d’un « ailleurs » exotique.
La troisième et dernière source de ce délitement est bien entendu externe : ce sont les ennemis civilisationnels, ceux qui se déclarent tels, et ne souhaitent qu’une revanche historique sur cet Occident adulé et exécré. Asservissant, déportant ou sacrifiant leurs propres populations, leur horizon est la réalisation de la Grande Russie eurasiatique, le règne mondial de l’Empire du Milieu ou le triomphe planétaire d’Allah.
La conjonction, nullement fortuite, de ces grandes tendances lourdes oblige à se questionner sur ce qu’il reste à sauver de nos sociétés occidentales dont le délitement provoque une panique latente.
Chacun des textes de cette brochure cherche à nourrir cette interrogation – pour ceux qui la portent encore. Car cette capacité d’auto-questionnement, cette recherche de vérité, ce souci de lucidité et cette passion de comprendre le monde sont ce qui disparaît le plus rapidement. Ainsi s’éteint, passagèrement osons-nous croire, la singularité occidentale.
Lieux Communs – mars 2024
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