L’individu et le type de civilisation

Ruth Benedict
mercredi 5 juillet 2023
par  LieuxCommuns

VIIIe et dernier chapitre du livre de Ruth Benedict, « Échantillons de civilisation », 1950


Le vaste comportement organisé que nous avons étudié est cependant le comportement des individus. C’est le monde dans lequel chacun se présente individuellement, le monde d’où chacun doit tirer son existence individuelle. Des rapports sur n’importe quelle civilisation condensés en quelques douzaines de pages doivent nécessairement mettre en relief des modèles de groupes et décrire le comportement individuel lorsqu’il donne en exemple les mobiles qui animent cette civilisation. Les exigences de la situation ne peuvent nous égarer que quand cette nécessité n’est comprise que comme impliquant que l’individu est submergé dans un océan dominateur.

Il n’y a pas de véritable antagonisme entre le rôle de la société et celui de l’individu. L’une des conceptions fausses les plus trompeuses dues à ce dualisme du XIXe siècle était l’idée que ce qui se trouvait soustrait à la société s’ajoutait à l’individu et que ce qui se trouvait soustrait à l’individu s’ajoutait à la société. Les philosophies de la liberté, les croyances politiques du « laissez-faire », les révolutions qui ont renversé des dynasties, étaient basées sur ce dualisme. La querelle de la théorie anthropologique entre l’importance du type de culture et celui de l’individu n’est qu’un petit plissement de la conception fondamentale de la nature de la société.

En réalité, la société et l’individu ne sont pas antagonistes. Sa civilisation fournit les matériaux bruts avec lesquels l’individu construit sa vie. S’ils sont peu abondants, l’individu en souffre ; s’ils sont nombreux, l’individu a une chance de tirer un profit de cette occasion. Tout intérêt particulier de chaque homme et de chaque femme est servi par l’enrichissement des réserves traditionnelles de sa civilisation. La plus riche sensibilité musicale ne peut opérer qu’avec l’équipement et les modèles de sa tradition. Elle ajoutera, peut-être de façon importante, à cette tradition, mais sa réalisation subsiste en proportion des instruments et de la théorie musicale dont la civilisation est munie. De la même manière, un talent pour l’observation se développe dans quelque tribu de Mélanésie sur les frontières négligeables du champ magico-religieux. Pour la réalisation de ses virtualités, elle dépend du développement de la méthodologie scientifique et ne peut porter ses fruits si la civilisation n’a pas élaboré les concepts et les instruments nécessaires.

L’homme de la rue pense toujours sous l’angle de l’antagonisme nécessaire entre l’individu et la société. Dans une grande mesure, c’est parce que dans notre civilisation les activités régulatrices de la société sont distinguées les unes des autres, et que nous inclinons à identifier la société avec les restrictions que la loi nous impose. La loi fixe le nombre horaire de kilomètres qu’il nous est permis de parcourir en automobile. Si elle abolit cette restriction, je m’en sens d’autant plus libre. Cette base pour un antagonisme fondamental entre la société et l’individu est véritablement naïve quand elle prétend être une base philosophique et une notion politique. La société n’est qu’incidemment et, dans certains cas, régulatrice, et la loi n’est pas équivalente à l’ordre social. Dans les civilisations plus simplement homogènes, les habitudes et les coutumes collectives peuvent toujours suppléer à la nécessité de n’importe quel développement d’une autorité légale officielle. Les Indiens d’Amérique disent quelquefois : « Dans l’ancien temps, on ne se battait pas pour des terrains de chasse ou des lieux de pêche. Alors, il n’y avait pas de loi, de sorte que chacun faisait ce qui était juste. » Cette façon de s’exprimer explique clairement que, dans leur ancienne vie, ils ne se considéraient pas comme obligés de se soumettre à un contrôle social qui leur était imposé de l’extérieur. Même dans notre civilisation, la loi n’est jamais davantage qu’un instrument brutal de la société, auquel il est souvent nécessaire de résister au cours de son arrogante carrière. On ne l’interprète jamais comme l’équivalent de l’ordre social.

La société, dans son sens le plus complet, ainsi que nous l’avons montré dans ce volume, n’est jamais une entité séparable des individus qui la composent. Aucun individu ne peut arriver même au seuil de ses virtualités sans l’aide de la civilisation à laquelle il participe. Réciproquement, aucune civilisation ne possède dans sa structure un élément qui, en dernière analyse, ne soit dû à la contribution d’un individu. D’où, d’ailleurs, une caractéristique quelconque pourrait-elle provenir sinon de la conduite d’un homme, d’une femme ou d’un enfant ?

C’est dans une large mesure à cause de l’acceptation traditionnelle d’un conflit entre société et individu, que l’importance accordée au comportement culturel est si souvent interprétée comme une négation de la liberté individuelle. La lecture des « Folkways » de Sumner déchaîne habituellement une protestation devant la limitation qu’une telle interprétation impose au but et à l’initiative de l’individu. L’anthropologie est souvent considérée comme une résolution de désespoir qui rend impossible toute illusion bienfaisante de l’humanité. Mais il n’y a pas un anthropologiste pourvu de quelque expérience des autres cultures qui ait jamais pensé que les individus ne sont que des automates accomplissant mécaniquement les ordres de leur civilisation. Aucune culture observée jusqu’à ce jour n’a été capable d’extirper les différences entre les tempéraments des personnes qui en font partie. Il n’y a toujours là qu’un échange de bons procédés. Le problème de l’individu n’est pas éclairci par l’insistance que l’on pourrait mettre à opposer la civilisation et l’individu, mais en insistant, au contraire, sur le secours qu’ils s’apportent mutuellement. Ce rapport est si étroit qu’il n’est pas possible d’argumenter sur les types de civilisation sans faire entrer spécialement en ligne de compte leurs rapports avec la psychologie individuelle.

Nous avons vu que toute société choisit quelque segment de l’arc du comportement humain possible et que plus il achève son intégration, plus ses institutions tendent à favoriser le segment choisi et à interdire les expressions qui s’y opposent. Mais ces expressions qui s’y opposent sont les réponses appropriées d’un certain nombre des tenants de cette culture. Nous avons déjà étudié les raisons que nous avons de croire que cette sélection fut, à l’origine, culturelle et non pas biologique. Nous ne pouvons donc pas, même sur le terrain théorique, imaginer que toutes les réponses appropriées de tous ses individus seront également traitées par toutes les institutions de n’importe quelle culture. Pour comprendre les comportements de l’individu, il n’est pas purement nécessaire de rapprocher l’histoire de sa vie personnelle de ses dispositions naturelles et de les mesurer à l’échelle d’une normalité arbitrairement choisie. Il est nécessaire, aussi, de rapporter ses réactions au comportement qui a été choisi dans les institutions de sa civilisation. Une très grande partie des individus qui sont nés dans une civilisation, quelles que puissent être les idiosyncrasies de leurs institutions, adopte toujours le comportement qui lui est dicté par cette société. Ce fait est toujours interprété par les adeptes de cette culture comme étant dû à ce que leurs institutions particulières reflètent un état de santé final et universel. Mais la raison actuelle en est bien différente. La plupart des gens sont façonnés à la forme de leur civilisation à cause de l’énorme malléabilité de leur nature originelle. Ils sont plastiques à la force modératrice de la société dans laquelle ils sont nés. Il n’importe guère si, sur la côte du nord-ouest, ce phénomène nécessite des tricheries avec les références à soi-même ou bien si, dans notre propre civilisation, il nécessite une accumulation de ressources. Dans les deux cas, la grande masse des individus accepte spontanément la forme qui leur est présentée.

Ils n’y sont cependant pas tous également portés par leur nature, et ce sont des favoris de la fortune, ceux dont les virtualités coïncident de près avec le mode de comportement choisi par leur société. Ceux qui, dans une situation où ils se trouvent, d’une façon quelconque, frustrés, cherchent naturellement les moyens d’échapper le plus vite possible à l’occasion sont bien secondés dans la civilisation Pueblo. Les institutions du sud-ouest, ainsi que nous l’avons vu, minimisent les situations dans lesquelles de sérieux dommages peuvent être subis, et quand il n’y a pas moyen de les éviter, dans la mort par exemple, elles donnent les moyens d’y échapper avec toute la célérité nécessaire.

D’autre part, ceux qui réagissent à la frustration comme à l’insulte et dont la première pensée est d’obtenir un dédommagement, trouvent tout ce qu’il leur faut sur la côte nord- ouest. Ils peuvent étendre leur réaction naturelle à des cas où leur aviron se brise ou bien leur canoë chavire, ou aussi en cas de mort de leurs proches parents. Ils s’élèvent de leur première réaction qui est la bouderie à la parade par un coup frappé en retour, en «  combattant » avec des biens ou avec des armes. Ceux qui peuvent soulager leur désespoir par un geste qui apporte la honte à d’autres peuvent continuer à vivre librement et sans conflit dans cette société, parce que leurs penchants se trouvent profondément canalisés dans leur civilisation. A Dobu, ceux dont le premier geste instinctif est de choisir une victime et de projeter leur malheur sur celle-ci avec des procédés primitifs sont également fortunés.

Il arrive qu’aucune des trois cultures que nous avons décrites ne soit par là, à proprement parler, frustrée en insistant sur la répétition de l’expérience première interrompue. Il semblerait même que, dans le cas de mort, ce soit chose impossible. Mais les institutions de maintes cultures ne tendent à rien de moins. Quelques-unes des formes que prend la restitution nous répugnent, mais ceci ne nous rend que plus compréhensible le fait que, dans les civilisations où la frustration se traite en lâchant la bride à ce comportement virtuel, les institutions de cette société suivent ce cours à un degré extraordinaire. Chez les Esquimaux, quand un homme en a tué un autre, la famille de la victime peut adopter le meurtrier pour réparer la perte que son groupe a subie. Le meurtrier devient le mari de la femme devenue veuve à la suite de son crime. Ceci est une exagération du Principe de restitution qui ignore tous les autres aspects de la situation, ceux qui nous paraissent, à nous autres, les seuls importants ; mais quand la tradition choisit quelque objectif de ce genre, c’est uniquement pour marquer qu’elle doit négliger le reste.

La restitution peut s’opérer dans les occasions de deuil avec les procédés qui sont les moins appropriés aux types de civilisations occidentales. Chez certains peuples Algonquins, du centre au sud des grands lacs, la procédure habituelle était l’adoption. A la mort d’un enfant, un autre enfant, à sa ressemblance, prenait sa place. Cette ressemblance était déterminée de toutes sortes de façons ; souvent un prisonnier amené dans la tribu à la suite d’un raid était adopté pleinement par la famille et jouissait de tous les privilèges et de toute la tendresse dont jouissait naguère l’enfant disparu. Presque aussi souvent, c’était le meilleur compagnon de jeux de l’enfant, ou un enfant d’une autre colonie apparentée ressemblant à l’enfant mort par sa taille et par les traits de son visage. Dans de tels cas, la famille où on choisissait l’enfant était supposée donner son agrément ; et, en réalité, dans la plupart des cas, cette adoption ne prenait pas l’importance qu’elle aurait avec nos institutions. L’enfant avait toujours reconnu plusieurs « mères », et plusieurs foyers où il avait vécu sur un pied familial. Sa nouvelle situation faisait qu’il se trouvait parfaitement chez lui dans le nouveau foyer. Du point de vue des parents à qui on l’avait pris, la situation avait été réglée par une restitution du statu quo qui existait avant la mort de leur enfant.

Les personnes qui, avant tout, pleurent sur la situation plutôt que sur la perte même de l’individu ont dans ces civilisations des compensations inimaginables avec nos institutions. Nous reconnaissons la possibilité de consolations de ce genre, mais nous évitons soigneusement de diminuer l’importance de leurs rapports avec la perte originelle. Nous ne traitons pas cela comme une technique du deuil, et les individus qui seraient satisfaits par une telle solution ne se trouveraient pas encouragés tant que cette crise pénible n’aurait point été surmontée.

Il existe une attitude possible encore vis-à-vis de la frustration. Elle se trouve aux antipodes de l’attitude Pueblo et nous l’avons décrite parmi les autres réactions dionysiennes des Indiens des Plaines. Au lieu d’essayer de terminer l’expérience avec le moins de déconvenue possible, elle trouve sa consolation dans l’étalage de chagrin le plus extravagant. Les Indiens des Plaines se laissent aller aux extrêmes et font de violentes démonstrations d’émotion, comme si c’était là chose normale.

Dans tout groupe d’individus, il nous est possible de reconnaître ceux à qui ces différentes réactions à la frustration et au chagrin sont appropriées : en l’ignorant, en feignant de le négliger par une expression d’indifférence, en se dédommageant, en punissant une victime et en cherchant à se rétablir dans la situation première. Dans les annales psychiatriques de notre propre civilisation, quelques-unes de ces actions sont réputées comme étant de mauvais moyens pour régler de telles situations, d’autres sont considérées comme de bons moyens. Les mauvais sont réputés conduire à de faux réajustements et à des insanités, les bons passent pour faciliter le bon fonctionnement de la société. Mais il est clair qu’il ne s’agit pas d’une corrélation avec une « mauvaise » tendance et une anormalité au sens absolu. Le désir d’échapper au chagrin, de le laisser coûte que coûte derrière soi n’encourage pas une psychose où, comme chez les Pueblos, il est inscrit dans les institutions et appuyé par toute l’attitude du groupe. Les Pueblos ne sont pas un peuple de névrosés. Leur civilisation donne l’impression d’encourager un état de bonne santé mentale. De même, les attitudes paranoïaques si violemment manifestées par les Kwakiutl sont classées, dans la théorie de psychiatrie dérivant de notre propre civilisation, comme parfaitement « mauvaises », c’est-à-dire conduisant de façons diverses à des effondrements de personnalité. Mais ce sont précisément ces individus qui, chez les Kwakiutl, trouvent convenable de donner la plus libre expression à ces attitudes qui sont cependant conductrices de leur société et trouvent leur suprême achèvement personnel dans sa culture.

Il est évident que l’adaptation individuelle ne consiste pas à obéir à certains mobiles et à repousser certains autres. La corrélation se trouve ailleurs. Tout comme sont favorisés ceux dont les réflexes naturels sont les plus proches de ce comportement qui caractérise leur société, de même se trouvent désorientés ceux dont les réflexes naturels tombent dans cet arc de comportement qui n’existe pas dans leur civilisation. Ces anormaux sont ceux qui ne sont pas soutenus par les institutions de leur civilisation. Ce sont des exceptions qui n’ont pas adopté aisément les formes traditionnelles de leur culture.

Pour une psychiatrie comparative valable, ces individus désorientés, qui n’ont pas su s’adapter convenablement à leurs cultures, sont de Première importance. Le résultat en psychiatrie a souvent été rendu confus en prenant pour point de départ une liste arrêtée de symptômes, au lieu d’étudier les gens dont les réactions caractéristiques sont reconnues sans valeur dans leur société.

Chacune des tribus que nous avons étudiées possède des individus « anormaux » qui ne participent pas. L’individu à Dobu qui se trouvait complètement désorienté était l’homme d’un naturel bienveillant qui trouvait que l’activité constituait une fin en soi. C’était un compagnon agréable qui ne cherchait pas à dépasser son prochain ni à lui infliger une punition. Il travaillait pour quiconque l’en priait, et ne se lassait pas d’obtempérer à ses ordres. Il n’était pas rempli de la terreur des ténèbres comme les autres, et il n’interdisait pas formellement comme eux, des réponses amicales en public à des femmes de la famille, comme une épouse ou une sœur ; souvent même il badinait avec elles publiquement. Pour tout autre Dobuan, ceci eût été considéré comme une conduite scandaleuse, mais, de sa part, on ne considérait cela que comme une simple naïveté. Le village le traitait de manière plutôt bienveillante, sans tirer avantage de lui, sans chercher non plus à le ridiculiser, mais on le considérait définitivement comme quelqu’un hors du jeu.

La conduite appropriée vis-à-vis de ce sot Dobuan a été la conduite idéale dans certaines périodes de notre propre civilisation, et il existe encore dans la plupart des communautés occidentales des professions où ses réflexes sont admis. Spécialement quand il s’agit d’une femme, elle est bien garantie encore actuellement par nos mores, et fonctionne honorablement dans sa famille et dans sa communauté. Le fait que le Dobuan ne pouvait pas agir dans sa culture n’était pas une conséquence des réponses particulières qui lui étaient naturelles, mais de la fissure qui s’était ouverte entre eux et leur type de culture. La plupart des ethnologistes ont fait des expériences analogues en reconnaissant que les personnes qui se trouvent placées hors des limites de la société de façon méprisante ne sont pas celles qui voudraient s’y trouver placées par une autre civilisation. Lowie a découvert parmi les Indiens Crows des Plaines un homme qui possédait une connaissance exceptionnelle de leurs formes culturelles. Il s’intéressait à les considérer objectivement et à mettre en corrélation leurs différents aspects. Il s’intéressait aux faits généalogiques et était d’une valeur inappréciable sur des points d’histoire. Il était l’interprète idéal de la vie des Crows. Mais ces traits n’étaient pas de ceux qui pussent lui être un moyen pour être honoré chez les Crows. Il se rétractait complètement en face du danger physique, alors que la forfanterie se trouvait être la grande vertu de la tribu. Pour empirer encore les choses, il avait essayé de réclamer et de se faire attribuer une distinction guerrière par des moyens frauduleux. On prouva qu’il n’avait pas ramené, ainsi qu’il le prétendait, d’un camp ennemi, un cheval qui s’y trouvait au piquet. Émettre une prétention illégitime à une distinction guerrière était un péché capital chez les Crows, et selon l’opinion générale, constamment réitérée, il fut tenu pour irresponsable et incompétent.

De telles situations peuvent se mettre en parallèle avec l’attitude crue l’on adopte dans d’autres civilisations envers l’homme qui ne réussit pas à considérer les biens personnels comme une affaire d’importance capitale. Notre population de chemineaux ne cesse d’être nourrie par ceux pour qui une accumulation de biens n’est pas le principal motif d’action. Lorsque ces dernières individualités s’allient avec ces chemineaux, l’opinion publique les considère comme des êtres vicieux en puissance, a cause de la situation sociale dans laquelle ils se sont délibérément placés. Mais dans le cas où ces gens-là se rachètent en mettant en valeur leur tempérament artistique et deviennent membres des groupes expatriés d’artistes vagabonds, l’opinion publique ne les considère pas comme des individus vicieux, mais comme des simples d’esprit. Dans tous les cas, ils ne sont pas agréés par les formes diverses de leur société, et l’effort qu’ils devraient accomplir pour se faire valoir de façon satisfaisante est généralement une tâche qui surpasse leurs forces.

Le dilemme de ces individus est souvent très heureusement résolu en faisant violence à leurs plus forts instincts et en acceptant le rôle que la civilisation honore. Dans le cas où ce sont des personnes auxquelles la reconnaissance sociale est indispensable, c’est généralement le seul moyen possible d’en sortir. L’un des individus le plus remarquable, chez les Zuñi, avait accepté cette nécessité. Dans une société qui met en doute l’autorité, quelle qu’elle puisse être, il possédait un magnétisme naturel, et bien à lui, qui le distinguait de tous dans tous les groupes. En une société qui exalte la modération et l’indulgence, il se montrait turbulent et pouvait à l’occasion se porter à des actes de violence. Dans une société qui estime la personnalité souple qui prend des gages en conversant amicalement, il se montrait dédaigneux et hautain. La seule réaction des gens de Zuñi devant de telles personnalités est de les flétrir en tant que sorciers. On disait de lui qu’il avait été vu épiant à travers une fenêtre, du dehors, ce qui est la marque certaine de la sorcellerie. En tout cas, il s’enivra un jour et prétendit qu’il était impossible de le tuer. Il fut alors conduit aux prêtres de la guerre qui le suspendirent par les pouces aux poutres de la maison jusqu’à ce qu’il eût avoué sa sorcellerie.

Telle est la procédure habituelle pour les accusations de sorcellerie. Mais il avait envoyé un message aux troupes du gouvernement. Quand celles-ci arrivèrent, ses épaules étaient déjà estropiées pour toute la vie et l’officier de police fut laissé là sans autre recours que celui d’emprisonner les prêtres de guerre responsables de cette monstruosité. L’un de ces prêtres était probablement le personnage le plus important et le plus respecté de l’époque chez les Zuñi, et quand il fut revenu de son emprisonnement clans l’établissement pénitencier de l’État, il ne reprit jamais ses fonctions sacerdotales. Il regardait son pouvoir comme brisé. C’était là une revanche probablement unique dans toute l’histoire de Zuñi. Elle impliquait naturellement un défi aux prêtres, contre lesquels le sorcier, par ses gestes, s’était ouvertement dressé.

Le cours de son existence pendant les quarante années qui suivirent ce défi ne fut pourtant pas ce qu’on aurait pu aisément attendre. Un sorcier n’est pas déchu de son appartenance à des groupes religieux parce qu’il a été condamné et le moyen de s’y faire reconnaître s’emploie de la façon suivante. Il possédait une remarquable mémoire verbale et une agréable voix mélodieuse. Il possédait tout un stock d’histoires mythologiques, de rites ésotériques, de chants religieux. Des centaines de pages d’histoires et de poésies religieuses ont été notées sous sa dictée avant sa mort, et il prétendait que le nombre de ses chants était beaucoup plus considérable. Il devint indispensable pour tout ce qui regardait la vie cérémonielle et, avant de mourir, il fut gouverneur de Zuñi. Le penchant naturel de sa personnalité le jeta dans une lutte sans merci avec sa société et il trancha son dilemme en usant quand il le fallait de ses talents de conteur. Comme nous pouvons le penser, il ne fut pas un homme heureux. Gouverneur de Zuñi, d’un rang élevé dans les groupes religieux, homme important dans sa communauté, il était obsédé par l’idée de la mort. C’était un homme déçu ait milieu d’une populace languissamment heureuse.

Il est facile d’imaginer quelle eût été sa vie chez les Indiens des Plaines où toutes les institutions eussent favorisé ses qualités natives. L’autorité personnelle, la turbulence, le mépris, auraient été également honorés dans la carrière qu’il aurait pu choisir. Le manque de bonheur inséparable de son tempérament comme prêtre estimé et comme gouverneur de Zuñi, il ne l’aurait pas éprouvé en tant que chef de guerre des Cheyenne ; ce n’était pas une fonction dérivant des caractéristiques de ses dons naturels, mais des types de cette culture dans laquelle il n’avait pas trouvé de débouché à ses réactions natives.

Les individus dont nous avons si longuement parlé ne relèvent nullement de la psychiatrie. Ils illustrent le dilemme de l’individu dont les propensions natives ne sont pas prévues dans les institutions de sa culture. Ce dilemme prend une importance psychiatrique quand le comportement est tenu pour catégoriquement anormal dans une société. La civilisation occidentale tend à regarder même un inoffensif homosexuel comme un anormal. La description clinique de l’homosexualité décrit les névroses et psychoses qui en sont les résultantes, et insiste presque autant sur les fonctions anormales de l’inverti et sur son comportement. Nous n’avons qu’à regarder d’autres civilisations, cependant, pour réaliser que des homosexuels n’ont pas été uniformément impropres à la société. Ils n’ont pas toujours failli à leur fonction. Dans certaines sociétés, ils ont même été particulièrement loués. C’est ainsi que la « République » de Platon contient l’approbation la plus convaincante de cet état honorable de l’homosexualité. Il la présente comme l’un des meilleurs moyens pour la bonne existence, et la haute estimation éthique de Platon à ce point de vue se trouvait confirmée par toute la conduite habituelle de la Grèce à cette époque. Les Indiens d’Amérique ne font pas ce grand éloge moral que Platon fait de l’homosexualité, mais les homosexuels sont souvent regardés chez eux comme des êtres exceptionnellement capables. Dans la plus grande partie de l’Amérique du Nord, il existe une institution dite « berdache », selon l’appellation des Français. Ces hommes-femmes étaient des hommes qui, au moment de la puberté, ou plus tard, ont adopté l’habillement et les coutumes des femmes. Quelquefois ils se sont mariés avec d’autres hommes et ont vécu avec eux. Quelquefois c’étaient des hommes ne pratiquant pas l’inversion, des personnes mal douées sous le rapport sexuel qui choisissaient ce rôle pour éviter les railleries des femmes. Les « berdaches » n’ont jamais été regardés comme doués d’un pouvoir surnaturel de premier ordre, ainsi que certains hommes-femmes du même genre l’étaient en Sibérie, mais plutôt comme des guides pour les femmes dans leurs occupations, comme bons guérisseurs de certaines maladies ou, chez quelques tribus, comme d’excellents organisateurs d’affaires sociales. Généralement, malgré la façon favorable dont ils étaient considérés, ils étaient regardés avec un certain embarras. On considérait comme légèrement ridicule d’appeler « Elle » une personne que l’on savait être un homme et qui, à Zuñi, par exemple, serait enterrée du côté des hommes au cimetière. Mais ils occupaient une place dans la société. On faisait valoir dans la plupart des tribus ce fait que les hommes qui entreprenaient des occupations féminines y excellaient en raison de leur vigueur et de leur initiative, qu’ils étaient des guides en techniques féminines et aussi en ce qui concerne l’accumulation des sortes de biens créés par des femmes. L’un des personnages les plus connus d’une génération de Zuñi autrefois était l’homme-femme We-Wha, qui était, selon l’expression de son ami, M. Stevenson, « certainement la personnalité la plus forte de Zuñi, tant intellectuellement que physiquement ». Sa mémoire remarquable pour le rituel en faisait un chef, à l’occasion de toutes les cérémonies, et sa force et son intelligence, un maître en toutes sortes de métiers.

Les hommes-femmes de Zuñi ne sont pas tous des personnages vigoureux et sûrs d’eux-mêmes. Quelques-uns d’entre eux ont adopté ce refuge pour se protéger contre leur incapacité à prendre part aux activités masculines. L’un d’eux n’est guère qu’un faible d’esprit, un autre guère davantage qu’un petit garçon, avec un fin visage de fille. Il y a évidemment plusieurs raisons pour lesquelles une personne devient un berdache à Zuñi, mais quelle que soit la raison, les hommes qui ont choisi d’adopter ouvertement le vêtement féminin ont autant de chances que tout autre d’exercer un rôle actif et officiel dans la société. Ce rôle est reconnu par la société. S’ils possèdent quelque talent naturel, ils peuvent librement l’utiliser ; s’ils sont des êtres faibles, ils échouent en raison de la débilité de leur nature, mais non pas parce qu’ils sont des invertis.

L’institution indienne du berdache était très développée dans les plaines. Le Dakota possédait ce dicton : « De beaux biens tels que ceux d’un berdache », et tel était aussi le condensé de l’éloge pour les biens domestiques de n’importe quelle femme. Un berdache avait deux cordes à son arc : il excellait dans les techniques féminines, et il pouvait aussi faire vivre son « ménage », par une activité cynégétique masculine. C’est pourquoi personne n’était plus riche que lui. Quand un ouvrage particulièrement soigné de bijouterie ou de vêtement de fourrure était désiré pour des cérémonies, on recherchait de préférence le travail du berdache plutôt que celui de tout autre. C’était une aptitude sociale de ce genre qui était prisée par-dessus tout. Comme chez les Zuñi, l’attitude observée à son égard est à double face et frappée d’un certain malaise en face d’une incongruité reconnue. Le mépris social cependant n’allait pas au berdache, mais à l’homme qui vivait avec lui. Celui-ci était considéré comme un être faible, ayant choisi une tâche facile et non pas les travaux habituels de leur civilisation ; il ne contribuait pas aux besognes de la maisonnée qui constituait déjà un modèle pour toutes les maisonnées grâce aux seuls efforts du berdache. Ses habitudes sexuelles n’étaient pas mises à part dans le jugement que l’on émettait sur son compte, mais, jugé du point de vue de l’économie sociale, il était un hors-la-loi. Pourtant, quand le comportement sexuel est regardé comme une perversion, l’inverti se trouve exposé aussitôt à tous les conflits auxquels se trouvent toujours exposés les anormaux. Son vice, sa, conscience d’infériorité, ses défaillances sont les conséquences de la réputation fâcheuse que lui inflige la tradition sociale et peu de gens arrivent à mener jusqu’au bout une existence satisfaisante qui n’est pas établie sur le modèle courant de leur société. L’adaptation qu’exige d’eux la société fatiguerait la vitalité de n’importe quel homme et les conséquences de ce conflit, nous pouvons les attribuer à leur homosexualité. L’esprit extatique est quelque chose d’également anormal dans notre société. Même un mystique inoffensif est un égaré dans notre civilisation occidentale. Pour étudier l’état de transe ou de catalepsie à l’intérieur de nos groupes sociaux, nous devons nous en référer à des histoires de cas similaires d’anormalité. C’est pourquoi la corrélation entre ce que nous savons de la transe et les phénomènes de névrose et psychose semble parfaite, comme pour le cas de l’homosexuel ; cependant il y a là une corrélation locale caractéristique de notre siècle. Même à notre arrière-plan culturel, d’autres époques nous montrent des résultats différents. Au Moyen Âge, lorsque le catholicisme appliquait aux phénomènes d’extase la marque de la sainteté, le phénomène de transe était hautement estimé, et ceux à qui il était naturel, au lieu d’être accablés par une catastrophe, comme à notre époque, étaient encouragés dans la continuation de leur carrière. C’était une validation de leurs ambitions, et non pas le stigmate de la démence. Les individus susceptibles d’entrer en transe réussissaient ou échouaient, selon leurs capacités naturelles, mais puisque l’expérience de transe était jugée si précieuse, un grand chef devait, selon toute vraisemblance, en être capable.

Chez les peuplades primitives, la transe et la catalepsie étaient extrêmement honorées. Certaines tribus indiennes de Californie accordaient du prestige surtout à ceux qui montraient certains phénomènes de transe. Ce n’étaient pas toutes ces tribus qui pensaient que, seules, les femmes étaient ainsi touchées de cette grâce, mais chez les Shasta, il en était convenu de la sorte. Leurs sorciers étaient tous des femmes, et c’était à elles qu’allait le plus grand prestige de la communauté. On les choisissait pour leur aptitude constitutionnelle à la transe et les manifestations qui s’y rapportent. Un jour, la femme réservée à ce destin, tandis qu’elle était occupée à sa besogne coutumière, tombait brusquement par terre. Elle venait d’entendre une voix qui lui parlait très fort. En se retournant, elle avait vu un homme avec un arc tendu et une flèche. Il lui ordonnait de chanter sous peine d’être frappée au cœur par sa flèche ; mais sous le coup de cette apparition, elle s’écroulait sans connaissance. Sa famille se rassemblait. Elle, restait étendue, rigide et haletante. On savait que, depuis quelque temps, elle avait eu des rêves d’un caractère spécial, signe d’un appel de sorcellerie : elle avait vu en songe des ours grizzly en fuite, des chutes de rochers ou d’arbres, ou encore elle s’était vue entourée d’une multitude de crapauds. Dès lors, la, communauté savait ce qui allait se passer. Quelques heures plus tard, la femme se mettait à gémir doucement et à se rouler sur le sol, secouée de convulsions. On supposait qu’elle répétait le chant qu’on lui avait enjoint de chanter et qui lui avait été enseigné par l’esprit au cours de sa transe. Lorsqu’elle reprenait connaissance, son gémissement devenait de plus en plus clairement le chant de l’esprit jusqu’à ce que, pour finir, elle criât le nom de l’esprit lui-même et que le sang jaillît aussitôt de sa bouche. Lorsque la femme était revenue à elle après une première rencontre avec son esprit, elle se mettait à danser sa première danse d’initiation de sorcière. Durant trois nuits, elle dansait en se tenant à une corde qui pendait du plafond. La troisième nuit, elle devait recevoir dans son corps le pouvoir conféré par l’esprit. Elle dansait, et quand elle sentait approcher le moment attendu, elle s’écriait : « Il veut me tuer, il veut me tuer ! » Ses amis restaient auprès d’elle, car quand elle vacillait en une sorte d’attaque de catalepsie, il fallait la tenir pour l’empêcher de tomber, sinon elle serait morte. A partir de cet instant, elle avait en son corps une matérialisation visible du pouvoir de son esprit, un objet en forme d’aiguille de glace qu’elle pourrait ultérieurement exhiber au cours de ses danses, en la sortant d’une partie de son corps et en la replaçant dans une autre. A partir de cet instant, elle continuait à valider son pouvoir surnaturel par d’autres démonstrations de catalepsie et on l’appelait dans les grandes circonstances de la vie et de la mort pour des cures, des divinations et des consultations. En d’autres termes, elle devenait de la sorte une femme très influente et très importante.

Il est clair que, loin de considérer les attaques de catalepsie comme des souillures pour l’honneur de la famille et comme des manifestations d’une maladie redoutée, la tribu leur accordait son estime et s’en servait pour conférer l’autorité à l’un de ses membres. Elles étaient une caractéristique remarquable du type social le plus respecté, du type qui fonctionnait dans la communauté en échange des plus grands honneurs et des plus grandes récompenses. C’étaient précisément les individus cataleptiques qui, dans cette culture, étaient distingués pour l’autorité et la direction des affaires.

L’emploi possible des types anormaux dans une armature sociale, du fait qu’il existe des types qui sont choisis culturellement par ce groupe, se retrouve dans toutes les parties du monde. Les sorciers de Sibérie dominent leurs communautés. Selon les idées de ces peuples, il y a des individus qui, par soumission à la volonté des esprits, ont été guéris d’une maladie grave – à la suite de leurs crises – et ont acquis de la sorte un grand pouvoir surnaturel, une incomparable vigueur et santé, Quelques-uns de ces individus, au cours de ces périodes de crise, demeurent dans un état extrême de démence pendant plusieurs années  ; d’autres restent inconscients au point de devoir être constamment surveillés, afin qu’ils ne s’en aillent pas errer dans la neige au risque de mourir gelés ; d’autres sont malades et amaigris jusqu’à en mourir, mouillés parfois d’une sueur sanglante. C’est la pratique du shamanisme qui leur servira de cure, et le plus gros effort d’une séance sibérienne les laisse, prétendent-ils, reposés et capables de reprendre immédiatement leurs fonctions. Des crises de catalepsie sont considérées comme une partie essentielle de toute entreprise shamanistique.

Une excellente description de la condition nerveuse du shaman et de l’intérêt que lui porte la société est une ancienne relation du chanoine Callaway, selon les paroles d’un vieux Zoulou de l’Afrique du Sud :
La condition de celui qui est sur le point de devenir devin est la suivante : au début il est d’apparence robuste ; mais avec le temps il devient de plus en plus délicat, sans avoir aucune maladie réelle, mais seulement une certaine fragilité. Il a coutume d’éviter certaines sortes d’aliments, choisissant ce qu’il aime, sans toutefois en manger beaucoup ; il ne cesse de se plaindre d’avoir mal en différentes parties de son corps. Et il raconte qu’il a rêvé avoir été, transporté en bateau sur une rivière. Il rêve de toutes sortes de choses et son corps est boueux (comme l’eau de la rivière) et il est hanté de rêves. Il rêve constamment de toutes sortes de choses et, quand il se réveille, il dit à ses amis : « Mon corps est boueux aujourd’hui ; j’ai rêvé de beaucoup d’hommes qui voulaient me tuer, et je me suis sauvé, je ne sais comment. Quand je me suis éveillé, je sentais qu’une partie de mon corps était différente du reste ; elle n’était plus du tout comme avant. » L’homme en question finit Par être très malade et l’on s’en va quérir les devins.

Les devins ne voient pas tout de suite qu’il a une tête sensible (à savoir la sensibilité associée au shamanisme). Il leur est difficile de découvrir la vérité. Ils débitent constamment des non-sens et font des rapports inexacts, jusqu’à ce que tout le bétail de l’homme soit dévoré comme ils l’ordonnent, car ils ont dit que l’esprit du peuple demande du bétail et qu’il Peut se nourrir. À la longue, le bien de cet homme est consommé, et il est toujours malade ; et l’on ne sait plus que faire, car il n’a plus de bétail, et ses amis doivent lui venir en aide pour ce dont il manque.

En fin de compte, il arrive un devin qui prétend que tous les autres se sont trompés. Il dit : « Il est possédé par les esprits. Il n’y a rien d’autre. Ils s’agitent en lui, divisés en deux partis ; les uns disent : Non, nous ne laisserons pas faire du tort à notre enfant. Nous ne le voulons pas. C’est Pour cette raison qu’il est malade. Si vous barrez la voie aux esprits, vous le tuerez. Car il ne sera pas un devin ; et il ne redeviendra jamais plus un homme. » Ainsi cet homme pourra être malade pendant deux ans sans amélioration, peut- être même plus longtemps encore. On le confine dans sa maison. Cela dure ainsi jusqu’à ce que ses cheveux tombent. Et son corps est sec et squameux ; il ne prend plus de plaisir à s’oindre d’huile. Il montre qu’il est sur le point de devenir devin, en ne cessant de bâiller et d’éternuer. Il montre qu’il est très friand de tabac à priser, et qu’il ne laisse guère Passer de temps sans Prendre une prise. Et les gens commencent à voir que ce qui est bon pour lui, il l’a reçu.

Après cela, il est malade ; il a des convulsions qui cessent pour un temps quand on l’a aspergé d’eau. Au premier manque d’égards, il verse des larmes, ensuite il pleure bruyamment et quand le monde est endormi, on l’entend faire dit bruit et réveiller les gens par ses chants ; car il a composé un chant, et les hommes et les femmes se réveillent et vont chanter en chœur avec lui. Tous les habitants du village sont mal à l’aise par suite du manque de sommeil ; car un homme sur le point de devenir devin est une grande cause (le trouble ; il ne dort pas, mais travaille constamment du cerveau ; il ne dort que par accès, et il se réveille en chantant toutes sortes de chants ; et les gens du voisinage quittent leurs villages la nuit en l’entendant chanter si fort et viennent chanter en chœur avec lui. Il chante quelquefois jusqu’au matin et personne n’a dormi. Et puis, il saute à travers la maison comme un crapaud et la maison devient trop petite pour lui, et il en sort en sautant et en tremblant comme un roseau dans l’eau, et tout ruisselant de sueur.

C’est ainsi que l’on s’attend journellement à sa mort ; il n’a plus que la peau et les os, et l’on pense que le soleil qui se lèvera le lendemain ne le retrouvera Pas vivant. A ce moment-là beaucoup de bestiaux ont été mangés, car le peuple veut l’encourager à devenir un devin. A la longue (dans un rêve), un vieil esprit ancestral lui est désigné. Celui-ci lui dit : « Va trouver tel et tel et il le battra un émétique (l’absorption de cette drogue fait partie de l’initiation à la carrière de sorcier), afin que tu puisses devenir tout à fait un devin. » Dès lors, il est apaisé pendant quelques jours, car il est allé trouver le devin pour qu’il lui prépare sa drogue, et il revient transformé, se sentant purifié et devenu à son tour un devin.
Ensuite, au cours de toute son existence, quand il sera possédé par les esprits, il prédira l’avenir et retrouvera les objets perdus.

Il est évident que ce genre de civilisation peut avoir de la valeur et donner une valeur sociale même à des types humains excessivement instables. Si cette culture décide de traiter leurs particularités comme les variantes les plus précieuses du comportement humain, les individus en question se lèveront à l’occasion et rempliront leurs rôles sociaux sans qu’on puisse s’en référer à nos conceptions habituelles des types qui peuvent jouer des rôles sociaux et de ceux qui ne le peuvent pas. Ceux qui fonctionnent de façon inadéquate dans une société ne sont pas ceux qui possèdent certaines caractéristiques anormales certaines et bien fixées, mais peuvent être aussi bien ceux dont les réponses n’ont pas trouvé de soutien dans les institutions de leur culture. La faiblesse de ces dévoyés est, dans une large mesure, illusoire. Elle résulte, non du fait qu’ils manquent de l’énergie nécessaire, mais du fait qu’ils sont des individus dont les réflexes naturels n’ont pas été réaffirmés par la société. Ils sont, comme l’interprète Sapir, « jetés hors d’un monde impossible ». L’individu qui ne répond pas aux modèles de son époque et de son pays et qui demeure exposé au souffle du ridicule se trouve dessiné de façon inoubliable dans la littérature européenne sous le nom de Don Quichotte. Cervantes a fait passer en une tradition toujours honorée dans l’abstrait, l’évidence d’un changement des types pratiqués, et son pauvre vieux bonhomme, le défenseur orthodoxe de la chevalerie romantique d’une autre génération, nous est présenté comme un sot. Les moulins à vent avec lesquels il se battit étaient les antagonistes sérieux d’un monde à peine disparu ; mais se battre avec eux lorsque le monde ne les prenait plus au sérieux, c’était de la pure démence. Il aimait sa Dulcinée selon les règles traditionnelles de la chevalerie, mais c’était une autre forme d’amour qui était alors en vogue et sa ferveur lui fut comptée comme une insanité.

Ces mondes qui font contraste et qui, dans les cultures primitives que nous avons étudiées, sont séparés les uns des autres dans l’espace, se sont succédé plus souvent dans le temps en notre histoire moderne occidentale. Dans l’un et l’autre cas, le résultat en est le même, mais l’importance de l’interprétation de ce phénomène est beaucoup plus grande dans le monde moderne où nous ne pouvons pas nous dérober, si nous le voulons, à la succession des configurations dans le temps. Lorsque chaque civilisation est un monde en soi, relativement stable, comme celles des Esquimaux, par exemple, et géographiquement isolée des autres, l’issue est tout académique. Mais notre civilisation doit traiter avec des modèles de culture qui sont en train de mourir sous nos yeux et avec des modèles nouveaux qui s’élèvent de la brume à l’horizon. Nous devons consentir à tenir compte du changement des règles d’existence, même lorsque les mœurs parmi lesquelles nous avons grandi sont en question. De même que nous nous trouvons handicapés pour traiter les problèmes éthiques tant que nous nous cramponnons à une définition absolue de la moralité, de même nous sommes handicapés pour traiter avec la société humaine tant que nous identifions nos règles d’existence locales avec les nécessités inévitables de la vie. Aucune société n’a encore essayé de prendre la direction consciente de la manière d’être par laquelle seront créées de nouvelles règles dans la génération qui suivra. Dewey a indiqué comment il serait possible d’instituer un tel mécanisme social et combien il serait vigoureux. Pour quelques compromis traditionnels, il est évident que l’on paie très cher ce résultat, sous le rapport de la souffrance et des déceptions humaines. Si ces arrangements se présentaient à nous uniquement comme des arrangements et non comme des impératifs catégoriques, le plus raisonnable pour nous serait de les adapter, d’une façon ou de l’autre, à des buts rationnellement choisis. Mais an contraire, tout ce que nous savons faire, c’est ridiculiser nos Don Quichotte, ridicules symboles d’une tradition évanouie, et de regarder la nôtre comme une fin en soi prescrite par la nature des choses.

En attendant, le problème thérapeutique de traiter avec des psychopathes d’un tel type est souvent mal compris. Leur isolement du monde actuel peut être souvent traité plus intelligemment qu’en insistant pour leur faire adopter des manières de vivre qui leur sont étrangères. Deux autres procédés seraient possibles. Tout d’abord, l’individu mal adapté peut trouver un plus grand intérêt objectif dans ses propres préférences et apprendre à traiter avec plus de sérénité sa déviation du type conventionnel, S’il apprend à voir jusqu’à quel point sa souffrance est due au manque d’appui qu’il rencontre dans l’éthique traditionnelle, il peut graduellement s’éduquer lui-même pour supporter avec moins de peine la différence qui l’en sépare. Les troubles émotionnels exagérés du maniaque dépressif, tout comme l’isolement du schizophrénique, ajoutent certaines valeurs à l’existence que ne rencontrent pas ceux qui sont différemment constitués. L’individu sans appui qui accepte vaillamment ses qualités favorites et ses qualités naturelles peut trouver une manière de vivre possible qui ne l’oblige pas à la nécessité d’aller chercher refuge dans un univers personnel qu’il se sera créé à lui-même. Il peut graduellement adopter une attitude plus indépendante et moins douloureuse envers ses égarements, et, sur cette attitude, il sera capable de bâtir une existence qui fonctionnera adéquatement. En second lieu, une tolérance accrue au sein de la société envers ses types les plus singuliers doit laisser se poursuivre en paix l’éducation du patient par lui-même. Les possibilités dans cette direction sont infinies. La tradition est aussi névralgique crue n’importe quel patient ; sa peur exagérée de la déviation de ses modèles imprévus est conforme à toutes les définitions habituelles du malade psychique. Cette peur ne dépend pas de l’observation des limites à l’intérieur desquelles le conformisme est nécessaire au progrès social. On concède une déviation bien plus étendue à l’individu dans certaines cultures que dans d’autres et celles dans lesquelles la tolérance est grande ne peuvent pas être présentées comme souffrant de leur particularité.

Il est probable que les systèmes de société futurs connaîtront cette tolérance et pousseront l’encouragement aux singularisations individuelles beaucoup plus loin que ne l’ont fait toutes les civilisations que nous avons connues.

La tendance américaine, à notre époque, va si loin à l’extrême opposé qu’il ne nous est pas facile de dépeindre les changements qu’une pareille attitude pourrait entraîner. Middletown est un exemple typique de notre peur habituelle de paraître des citoyens tant soit peu différents de nos voisins. On redoute davantage l’excentricité que le parasitisme. Tout sacrifice de temps et de tranquillité se fait pour que personne dans la famille ne puisse être souillé de la plus petite tache de non-conformité. Les enfants à l’école considèrent comme quelque chose d’extrêmement tragique le fait de ne pas porter une certaine sorte de chaussettes, de ne pas faire partie d’une certaine école de danse, de ne pas conduire telle ou telle automobile. La peur de ne pas être comme tout le monde est le motif d’agir prédominant que l’on constate à Middleton.

Le droit psychopathique qu’un tel motif d’action exige est apparent dans toutes les institutions qui ont été créées chez nous pour les maladies mentales. Dans une société où il n’existerait que comme un motif mineur entre beaucoup d’autres, la description psychiatrique serait bien différente. Tout compte fait, on ne peut raisonnablement pas mettre en doute que l’un des moyens les plus effectifs pour traiter le fardeau déconcertant des tragédies psychopathiques de l’Amérique à notre époque, ne peut se trouver que grâce à un programme d’éducation qui encourage la tolérance dans la société et une sorte de respect de soi-même et d’indépendance, qui sont étrangers à Middletown et à nos traditions urbaines. Bien entendu, tous les psychopathes ne sont pas des individus dont les réflexes naturels se trouvent en désaccord avec ceux de leur civilisation. Un autre vaste groupe se compose de ceux qui sont purement inadéquats et qui ont un motif d’action assez puissant pour que leur échec devienne intolérable. Dans une société où la volonté de puissance est largement récompensée, ceux qui échouent ne peuvent pas être ceux qui sont différemment constitués, mais simplement ceux qui sont insuffisamment doués. Le complexe d’infériorité provoque une grande part de souffrances dans notre société. Il n’est pas nécessaire que les martyrs de cette sorte aient subi une frustration, en ce sens que des dispositions natives vigoureuses auraient subi une inhibition ; leur frustration n’est, la plupart du temps, que le reflet de leur incapacité à parvenir à un certain but. Il y a là aussi une conséquence naturelle, en ce sens que le but traditionnel peut être accessible à une foule d’individus ou à un très petit nombre, et, dans la proportion où le succès devient une hantise et se limite à une minorité, un nombre de plus en plus grand de gens se trouvera exposé aux pénalités extrêmes dues à une adaptation défectueuse.

Par conséquent, jusqu’à un certain point, la civilisation, en nous montrant des buts de plus en plus élevés et de plus en plus dignes d’intérêt, risque d’accroître le nombre d’anormaux.

Mais il est facile d’exagérer la question, car de très petites variations dans les attitudes sociales peuvent contrebalancer largement cette corrélation. Dans l’ensemble, puisque les possibilités sociales de tolérance et d’acceptation des différences individuelles sont si peu recherchées dans la pratique, le pessimisme semble prématuré. Il est certain que d’autres facteurs sociaux tout à fait différents de ceux que nous venons de voir sont plus directement responsables de la grande proportion de nerveux et de psychopathes et, avec ces autres facteurs, les civilisations ont pu, quand elles le voulaient bien, agir sans dommages intrinsèquement inévitables.

Nous avons considéré les individus au point de vue de leur facilité à fonctionner adéquatement dans leur société. Ce fonctionnement adéquat est l’un des moyens de déterminer cliniquement la normalité. Elle est également définie dans les termes des symptômes établis et l’on a tendance à identifier normalité avec moyenne statistique. En pratique, cette moyenne est celle que fixent les laboratoires et tout ce qui en dévie est classé comme anormal.

Du point de vue d’une civilisation isolée, ce procédé est très utile. Il consiste à faire une peinture clinique de la. civilisation et constitue une source d’information considérable sur les actes sociaux que l’on y approuve. Quant à l’instituer en normale absolue, c’est autre chose de tout à fait différent. Ainsi que nous l’avons vu. la détermination du normal varie selon les cultures. Certaines, comme les Zuñi et les Kwakiutl, sont si peu éloignées l’une de l’autre qu’elles se chevauchent presque. La normale. statistiquement déterminée pour la côte nord-ouest, déborderait largement les extrêmes limites de l’anormalité chez les Pueblos. Les conflits de rivalité, normaux chez les Kwakiutl, seraient traités de folie chez les Zuñi, et l’indifférence traditionnelle des Zuñi pour la domination sur autrui, ainsi que l’humiliation du prochain, seraient considérées comme imbécillités pour un homme de famille noble sur la côte du nord-ouest. Une manière d’être qui s’écarte du type normal dans l’une ou l’autre de ces cultures ne pourrait jamais se rapporter à un commun dénominateur de manière d’être. Chacune de ces sociétés, selon ses préoccupations majeures, peut accroître et intensifier même des symptômes hystériques, épileptiques ou paranoïaques et compter en même temps avec de plus en plus de ferveur, au point de vue de l’intérêt social, sur les individus qui en sont les victimes.

Ce fait est important en psychiatrie parce qu’il rend clair un autre groupe d’anormaux existant probablement dans toutes les civilisations : les anormaux qui représentent l’ultime développement du type local de civilisation. Ce groupe se trouve à l’extrême opposé du groupe que nous avons examiné, le groupe de ceux dont les réflexes diffèrent de leurs types culturels. La société, au lieu de blâmer le premier groupe sur chaque point, le supporte jusque dans ses égarements les plus extrêmes. Ils jouissent d’une tolérance qu’ils peuvent exploiter presque indéfiniment. C’est pour cette raison crue ces individus ne tombent presque jamais dans le cadre de la psychiatrie contemporaine. Il est probable qu’ils ne seront jamais décrits même dans les manuels les plus vigilants de la génération dans laquelle ils vivent. Et pourtant, du point de vue d’une autre génération ou d’une autre culture, ils sont généralement les types psychopathiques les plus singuliers de notre temps. Les prophètes puritains de la Nouvelle-Angleterre au XVIIIe siècle étaient les dernières personnes que l’opinion contemporaine aux colonies eût regardées comme des malades psychiques. Peu de groupes voyants dans n’importe quelle culture ont été autorisés à exercer une aussi complète dictature intellectuelle et émotionnelle que celle qu’ils ont exercée. Ils étaient le verbe de Dieu. De plus, pour un observateur moderne, ce sont eux, et non point les femmes confondues et martyrisées qu’ils mettaient à mort comme sorcières, qui étaient les psychoneurotiques de la Nouvelle-Angleterre puritaine. Un sentiment de la culpabilité aussi extrême qu’ils le dépeignaient, et qu’ils mettaient en jugement dans leurs expériences de conversions personnelles et dans celle de leurs convertis, ne se trouve chez une civilisation un peu plus saine que dans les institutions créées pour les maladies mentales. Ils prétendaient qu’il n’est point de salut sans une conviction du péché qui écrase ses victimes, quelquefois pendant des années, sous le fardeau du remords et d’une terrible angoisse. C’était le devoir du prêtre de mettre la terreur de l’enfer au cœur de l’enfant même très jeune et d’exiger de tout converti l’acceptation émue de sa condamnation, si Dieu jugeait opportun de le condamner. Peu importe quand nous feuilletons les archives des églises de la Nouvelle-Angleterre puritaine que, pour cette façon de traiter les sorcières ou les enfants maudits de moins de dix ans ou des sujets analogues de damnation et de prédestination, nous voyions le fait que le groupe de gens qui se portent aux extrêmes, et grandement honoré au point de vue des doctrines culturelles de l’époque, devienne selon les types légèrement modifiés de notre génération les victimes d’intolérables aberrations. Du point de vue d’une psychiatrie comparative, ce sont eux qui tombent dans la catégorie de l’anormalité.

Dans notre propre génération, les formes extrêmes de la congratulation que l’on s’adresse à soi-même apparaissent de façon similaire. Des égoïstes arrogants et sans retenue tels que des chefs de famille, des hommes de loi et des hommes d’affaires, n’ont cessé d’être portraiturés par les romanciers et les auteurs dramatiques, et on les retrouve dans toutes les communautés. Pareilles aux comportements des prophètes puritains, leurs façons d’agir sont souvent plus asociales que celles des pensionnaires de pénitenciers. Sous le rapport des souffrances et des pertes qu’ils ont infligées à leur entourage, il n’y a probablement aucune comparaison. Il y a peut-être là tout au moins une aussi importante déviation mentale. Ces gens-là se trouvent jouir de situations très influentes et très importantes et sont en général des pères de famille. Leur empreinte sur leurs propres enfants comme sur la structure de notre société est indélébile. On ne les décrit pas dans nos manuels de psychiatrie parce qu’ils sont soutenus par tous les principes de notre civilisation. Ils sont sûrs d’eux-mêmes dans la vie réelle à un degré qu’il n’est possible d’atteindre qu’à ceux qui peuvent s’orienter sur le cadran de la boussole que leur civilisation leur présente. Néanmoins dans l’avenir il y aura une psychiatrie qui fouillera peut-être nos romans, nos lettres et nos actes publics pour mettre en lumière un type d’anormalité auquel, sans leur secours, on n’accorderait aucune créance. Dans toute société, c’est dans ce groupe même de culture encouragé et fortifié que prospèrent certains types extrêmes de comportement humain.

La pensée sociale au temps présent ne trouve pas devant elle de tâche plus importante que celle d’avoir une relation adéquate de la relativité culturelle. Dans le domaine, et de la sociologie et de la psychologie, les connexions son[ fondamentales, et la pensée moderne sur les contacts des peuples et sur les modèles changeants de nos civilisations a grandement besoin d’une direction saine et scientifique. La morale sophistiquée moderne a fait de la relativité sociale, même dans le petit champ d’action où elle a opéré, une doctrine de désespoir. Elle en fait voir tout le défaut d’harmonie avec ses rêves orthodoxes de permanence et d’idéal et avec ses illusions de l’autonomie de l’individu. Elle a pris comme argument que, si l’expérience humaine doit les abandonner, la coquille de l’existence ne sera plus qu’une noix creuse. Mais interpréter notre problème sous cet angle, c’est pécher par anachronisme. Il n’y a que l’inévitable enveloppe culturelle qui nous oblige à faire remarquer que l’ancien doit être redécouvert dans le nouveau, qu’il n’existe aucune autre solution crue de trouver l’ancienne stabilité et l’ancienne certitude dans la nouvelle plasticité. L’acceptation de la relativité culturelle implique de nouvelles valeurs qui n’ont pas besoin d’être celles des philosophies absolutistes. Elle défie les opinions habituelles et cause à ceux qui ont été nourris d’elles un malaise aigu. Elle engendre le pessimisme parce qu’elle met le désordre dans les vieilles formules, mais non parce qu’elle contient quelque chose d’intrinsèquement difficile. Dès que la nouvelle opinion est prise comme croyance habituelle, il se lève un nouveau rempart de la bonne existence. Nous arriverons ainsi à une foi sociale plus réaliste, en acceptant comme fondements d’espérance et comme nouvelles bases de tolérance les types de vie coexistants, et tous également valides que l’humanité. a bâtis pour elle-même avec les matériaux bruts de la vie.


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